Accumulation de stress : pourquoi le burn-out peut survenir pendant l’été ?
Alors que l’été est souvent perçu comme un temps de repos, certains vivent au contraire un effondrement psychique pendant les vacances. Un paradoxe ? Pas vraiment. Le Dr Patrick Légeron, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne *, nous éclaire sur ce phénomène lié à l’hyperstress accumulé toute l’année.

Si l’été est censé marquer une pause bienvenue, il peut au contraire révéler un épuisement longtemps contenu. Certaines personnes, très investies dans leur travail ou soumises à un rythme soutenu toute l’année, s’effondrent dès les premiers jours de congés. Comment expliquer cette rupture ?
« En médecine, on parle du phénomène du guerrier », décrit le Dr Patrick Légeron. « Pendant le combat, on ne sent pas la blessure. C’est une fois la pression retombée que le corps et le psychisme lâchent. »
Ce phénomène de décompensation survient chez ceux qui fonctionnent en tension permanente. « Ce ne sont pas toujours des burn-out à proprement parler, mais des états d’hyperstress. Le moteur tourne à plein régime toute l’année, puis il se coupe net. Et c’est là que ça craque. »
Comprendre le cycle du stress
Le stress n’est pas pathologique en soi. « Le stress ponctuel est utile, il nous mobilise pour agir, c’est ce que j’appelle le bon stress. Mais lorsque cette tension devient permanente, elle bascule en hyperstress. » Cette deuxième phase, chronique et intense, est dangereuse. Elle ouvre la porte au burn-out, que le Dr Légeron décrit comme « le stade ultime, quand on est dépassé et que l’on s’effondre ».
À l’inverse, l’absence de stimulation peut aussi poser problème. « On parle alors de bore-out, l’ennui extrême, qui provoque une forme d’effondrement. Burn-out et bore-out sont les deux extrêmes d’un même spectre : celui de la pathologie du stress. »
Repérer les signaux d’alerte
Le stress chronique se manifeste par des signes physiques (palpitations, troubles digestifs, insomnie, douleurs inexpliquées), émotionnels (anxiété, irritabilité, instabilité), cognitifs (troubles de la concentration, erreurs, pertes de mémoire) et comportementaux (surconsommation de tabac, alcool, café).
« Le mot hyperstress a été pensé sur le modèle de l’hypertension artérielle. Comme cette dernière, il peut passer inaperçu, mais il augmente fortement les risques de décompensation. » Apprendre à repérer ces signaux dans plusieurs domaines à la fois est essentiel. « Si le médecin ne détecte rien de particulier sur le plan organique, il faut envisager la piste du stress. »
Des profils plus à risque
Certaines personnes sont particulièrement vulnérables. « Ce sont les surinvestis du travail, les ‘adrénalino-dépendants’. Ils ont besoin de ce carburant pour fonctionner, comme un moteur qui tourne très vite. » Ces profils, souvent qualifiés de type A, supportent mal l’oisiveté : « Pendant les vacances, ils ne vont pas se détendre mais chercher des activités intenses. Rester une heure sur une chaise longue leur est insupportable. »
Ces comportements sont valorisés en entreprise, mais peuvent devenir dangereux. « Ces personnalités sont difficiles à vivre pour leur entourage, et ne sont pas forcément les plus efficaces à long terme. D’où l’intérêt, dans certaines organisations, de les repérer tôt pour leur proposer des outils de régulation. »
Des vacances utiles… si elles sont bien préparées
« Le sevrage brutal n’est pas une bonne idée », insiste le Dr Légeron. « Comme pour la nicotine ou l’alcool, il faut un sas de désintoxication. » Il propose une approche progressive : « Autorisez-vous une heure de mail par jour si cela vous apaise, mais introduisez progressivement des temps de repos, même courts. »
L’été est aussi un moment propice à l’introspection : « C’est l’occasion d’échanger avec ses proches. Ils perçoivent souvent des signaux qu’on ignore soi-même. » Le psychiatre encourage à se poser une question clé : quelle est ma relation au travail ?
Rééquilibrer son rapport au travail
« Deux tiers des cas de burn-out sont liés aux conditions de travail, mais un tiers dépend de la personne elle-même, de sa façon de s’investir. » Trop souvent, les individus investissent toute leur énergie dans leur activité professionnelle. « Il faut diversifier son capital émotionnel, comme un bon banquier diversifie ses placements. »
Les vacances permettent justement de redonner de la place aux loisirs, à la famille, aux passions personnelles. « Le travail, c’est comme une mauvaise maîtresse. Elle exige sans cesse des preuves d’amour et menace de vous quitter. Il faut apprendre à poser des limites. »
Peggy Cardin-Changizi
* Fondateur du cabinet Stimulus, il est aussi l’auteur de Le stress au travail (éd. Odile Jacob) et co-auteur du rapport de l’Académie de médecine sur le burn-out.
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