La chirurgie cardiaque, et notamment la chirurgie à cœur ouvert, est une discipline médicale récente. Si les progrès ont été importants au cours des dernières décennies, ces interventions restent associées à des complications graves. Une récente étude française suggère que le choix de l’heure de l’intervention pourrait réduire certaines complications.
Les risques de la chirurgie cardiaque
Lors d’une chirurgie cardiaque à cœur ouvert sous circulation extracorporelle, différents types de complications peuvent survenir parmi lesquelles le syndrome d’ischémie – reperfusion. Ce phénomène comporte deux aspects successifs :
- L’ischémie est un arrêt brutal de la circulation sanguine dans le cœur, lié à l’intervention chirurgicale et à la mise sous circulation extracorporelle. Elle s’accompagne d’une hypoxie (baisse du taux d’oxygène dans le sang).
- La reperfusion correspond au moment où la circulation sanguine dans le cœur est rétablie en fin d’intervention, avec une réoxygénation brutale du sang.
À savoir ! La circulation extracorporelle (souvent notée CEC) est un dispositif qui permet de dévier la circulation sanguine vers un appareil à l’extérieur du corps. La circulation sanguine dans le cœur et les poumons est stoppée, ce qui permet d’arrêter ces organes et de vider le sang du cœur. La CEC est indispensable pour toutes les interventions de chirurgie cardiaque à cœur ouvert.
Malheureusement, lors de la reperfusion se produit une aggravation de l’état de santé initial du cœur, avec un risque d’accident cardiovasculaire post-opératoire. Ce phénomène est variable selon les patients. Il est généralement prédictible avant l’intervention chirurgicale et s’associe avec un mauvais pronostic clinique pour le patient.
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Des accidents cardiovasculaires plus fréquents le matin
Parallèlement au phénomène d’ischémie – reperfusion, différentes études scientifiques ont mis en évidence que la fréquence de certains accidents cardiovasculaires, comme l’infarctus du myocarde varie au cours de la journée, avec un pic de fréquence dans la matinée. Sur des modèles animaux, les chercheurs ont montré que selon l’heure de la journée, les lésions tissulaires consécutives aux accidents cardiaques varient. L’heure de la journée pourrait-elle également impacter la chirurgie cardiaque ?
Pour mieux comprendre l’influence de l’heure de la journée sur le risque cardiaque, une équipe de recherche française a mené une étude en 4 étapes :
- Entre janvier 2009 et décembre 2015, les chercheurs ont analysé sur 500 jours les dossiers de patients opérés pour remplacement de valve aortique, soit le matin, soit l’après-midi.
- Entre janvier 2016 et février 2017, ils ont ensuite étudié sur 12 jours les lésions péri-opératoires (consécutives notamment au phénomène d’ischémie – reperfusion) de patients opérés le matin ou l’après-midi.
- Des biopsies ont été réalisées chez quelques patients pour rechercher des gènes impliqués dans la variation de la tolérance aux conditions d’hypoxie – réoxygénation.
- A partir des résultats de l’étape 3, les chercheurs ont étudié chez l’animal les voies physiologiques impliquées dans le phénomène d’ischémie – reperfusion.
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Matin ou après-midi pour se faire opérer du cœur ?
Dans l’étape 1, 350 patients ont été opérés le matin et 298 l’après-midi. En comparant les suites opératoires à l’issue de la période de 500 jours, les chercheurs ont observé qu’un évènement cardiovasculaire était évité tous les 11 patients opérés l’après-midi, par rapport à ceux opérés le matin. Les patients opérés l’après-midi présentaient un risque plus faible d’infarctus du myocarde péri-opératoire ou d’épisodes d’insuffisance cardiaque.
Dans l’étape 2, les marqueurs du risque cardiaque (substances présentes dans le sang indicatrices d’un risque de survenue d’accident cardiovasculaire) étaient plus faibles chez les patients opérés l’après-midi.
Grâce à l’étape 3, les chercheurs ont mis en évidence 287 gènes dont l’expression varie selon l’heure de la journée. Parmi ces gènes, l’expression du gène Rev-Erb-alpha, déjà connu pour son rôle dans l’horloge biologique des Mammifères, s’avère être très différente entre les patients opérés le matin ou l’après-midi.
Dans l’étape 4, en ciblant les protéines codées par le gène Rev-Erb-alpha, les chercheurs ont pu modifier la tolérance des cœurs de souris au phénomène d’ischémie – reperfusion.
Les résultats obtenus dans cette étude suggèrent l’importance de l’heure de l’intervention sur le succès de la chirurgie cardiaque. Des études complémentaires sont désormais nécessaires pour confirmer ces résultats sur différents profils de patients et à plus grande échelle.
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Estelle B. / Docteur en Pharmacie