Covid-19 et microbiote : une dysbiose est corrélée à la gravité de l’infection

Actualités Coronavirus (COVID-19)

Rédigé par Alexia F. et publié le 11 février 2022

A ce jour, il est difficile de prédire l’évolution d’une infection par le SARS-CoV-2. Si nous savons qu’environ 15% des cas deviennent des formes graves pouvant mener à des complications cardiaques ou neurologiques, des éléments manquent encore pour identifier les maladies les plus à risque. Un élément de réponse se trouve peut-être dans notre microbiote intestinal ! C’est du moins ce qu’avance une étude menée par une équipe lilloise publiée récemment dans la revue Gut Microbes. Les chercheurs ont montré qu’une altération du microbiote intestinal est induite par l’infection par la Covid-19 et qu’elle est corrélée à la sévérité des symptômes.

Covid-19 et microbiote

Covid-19 et microbiote

Notre tube digestif abrite 1013 micro-organismes, soit l’équivalent du nombre de cellules qui composent l’ensemble de notre corps. Ces micro-organismes sont de natures diverses : bactéries, virus, parasites et champignons, tous non pathogènes. Ils constituent le microbiote intestinal, aussi appelé flore intestinale. L’interaction du microbiote et de son hôte est connue pour influencer de nombreuses fonctions incluant la digestion, le métabolisme, l’intégrité de la barrière intestinale, le fonctionnement du système immunitaire mais aussi un rôle neurologique. Chaque microbiote intestinal de chaque individu est unique sur les plans qualitatif et quantitatif. Il est formé dès la naissance, évolue pendant l’enfance jusqu’à se stabiliser. Il connait néanmoins des modifications en cas de maladie, de prise de certains traitements (notamment les antibiotiques) et de modification de l’hygiène de vie ou de l’alimentation.

L’altération qualitative et/ou fonctionnelle du microbiote intestinal, appelée dysbiose, explique certaines maladies, notamment les maladies auto-immunes ou inflammatoires. De plus, l’axe intestin-poumon joue un rôle critique dans les infections respiratoires virales. Par exemple, il a été démontré que le virus de la grippe déséquilibre la flore intestinale, ce qui peut mener à une modification du risque de surinfection bactérienne. Les auteurs de l’étude ont voulu savoir si des mécanismes comparables survenaient suite à une infection par la Covid-19.

Par ailleurs, plusieurs essais cliniques suggèrent un lien entre des modifications du microbiote intestinal et la sévérité de la Covid-19. Cependant, ils ont été menés sur un faible nombre de patients et leurs résultats sont hétérogènes. Dans ce contexte, des études fondamentales et conduites sur des modèles précliniques s’avèrent nécessaires.

La dysbiose intestinale est corrélée à la gravité de l’infection par la Covid-19

Dans son étude, l’équipe de chercheurs lillois a évalué les conséquences de l’infection par la Covid-19 sur la composition du microbiote intestinal. Pour cela, ils ont travaillé avec le modèle du hamster qui présente des atteintes pulmonaires similaires à celles retrouvées chez l’Homme lors de l’infection par le SARS-CoV-2.  Ils ont comparé la qualité du microbiote chez des animaux infectés et chez des animaux sains. Leur travail montre que l’infection par la Covid-19 est associée à :

  • Une inflammation intestinale ;
  • Une altération des propriétés de la barrière intestinale ;
  • Une inflammation du foie ;
  • Une altération du métallisme lipidique, responsable de la construction et de la destruction des lipides au sein de l’organisme.

Ces modifications sont concomitantes avec une altération de la composition du microbiote intestinal au cours de l’infection. La dysbiose des hamsters infectés est notamment caractérisée par une surabondance de bactéries délétères et une diminution du nombre de bactéries impliquées dans la production d’Acides Gras à Chaîne Courte (AGCC) issus de la fermentation du glucose. Les AGCC occupent de nombreux rôles dans l’organismes, notamment dans le métabolisme énergétique. Par exemple, ils servent à la fabrication du glucose par le foie.

Ces travaux rapportent également une forte corrélation entre la modification de la composition en bactéries du microbiote et les indices cliniques inflammatoires de la gravité de l’infection par la Covid-19. Ainsi, l’altération du microbiote est en corrélation avec la gravité de la maladie chez les hamsters, ce qui en fait un modèle expérimental important pour la conception d’approches interventionnelles ciblées sur le microbiote en vue de contrôler l’évolution de la Covid-19 chez les individus.

Une piste à étudier pour limiter les formes graves de Covid-19

Face à la diminution de la quantité d’AGCC liée à l’infection par la Covid-19, les chercheurs ont investigué si l’apport d’AGCC améliorait les symptômes des hamsters. Ils ne rapportent pas d’effets significatifs dans leur étude. Mais le chercheur François Torttein, responsable de l’étude, n’abandonne pas totalement cette piste. « […] Considérant la richesse incroyable de notre microbiote et des métabolites qu’il produit, ce résultat négatif n’écarte pas l’éventuel intérêt de certains prébiotiques. » a-t-il expliqué.

Par ailleurs, les résultats de cette étude apportent des pistes intéressantes pouvant expliquer, au moins en partie, pourquoi les personnes obèses et âgées ont plus de risques de développer des formes graves lors de l’une infection par la Covid-19. En effet, ces populations présentent fréquemment une dysbiose.

Alexia F., Docteure en Neurosciences

Sources
– Alteration of the gut microbiota following SARS-CoV-2 infection correlates with disease severity in hamsters. tandfonline.com. Consulté le 10 février 2022.
– Covid-19 : la dysbiose intestinale influencerait son évolution. inserm.fr. Consulté le 10 février 2022.
– Microbiote intestinal (flore intestinale). inserm.fr. Consulté le 10 février 2022.
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