Si le traitement à base de la molécule Elagolix a récemment été approuvé par les autorités sanitaires américaines pour ses résultats encourageants sur les troubles de l’endométriose, une équipe lyonnaise utilise de son côté un procédé innovant aux ultrasons. Zoom sur cette technique unique au monde.
Des ultrasons contre l’endométriose
L’endométriose désigne un trouble gynécologique qui implique la formation anormale de tissu en dehors de l’utérus et sa localisation au niveau des ovaires, des trompes de Fallope ou des organes voisins tels que la vessie, l’intestin ou les reins. Ce tissu anormal saigne chaque mois après s’être développé. Mais vu qu’il n’est pas localisé au niveau de la muqueuse utérine, les saignements ne peuvent pas être évacués vers l’extérieur du corps, ce qui entraîne la formation de kystes plus ou moins gros ainsi que des douleurs importantes.
À savoir ! 20% des femmes souffrant d’endométriose développent une atteinte digestive, soit environ 1 % des femmes en France. L’endométriose digestive s’accompagne de symptômes comme la diarrhée, des difficultés à aller à la selle ou encore des crampes intestinales.
Dans le cas où le traitement médical a échoué, les patientes se voient proposer un traitement chirurgical lourd nécessitant souvent plusieurs heures d’interventions et présentant des risques non négligeables comme des fistules recto-vaginales ou l’ablation d’une partie du rectum dans 50% des cas.
Dans ce contexte, trouver un traitement alternatif s’avère indispensable. C’est ainsi que le Professeur Gil Dubernard des Hospices civils de Lyon, a imaginé utiliser des ultrasons pour traiter les endométrioses rectales au moyen d’une technique unique au monde :
« Je suis chirurgien gynécologue mais réalise depuis longtemps mes échographies moi-même et ai développé un protocole d’échographie spécifique pour l’exploration des lésions endométriosiques : la rectosonographie photo. C’est cet intérêt pour l’échographie, qui m’a donné l’idée d’utiliser les ultrasons de haute intensité chez des patientes avec une endométriose digestive. »
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Une technique unique au monde
Dans le cadre de ce projet inédit, l’équipe de scientifiques lyonnais s’est associée à la société Edap TMS ainsi qu’à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), pour mener des études sur des femmes souffrant d’endométriose à l’aide de la sonde à ultrasons FocalOne d’Hifu.
À savoir ! La sonde FocalOne d’Hifu (High intensity focused ultrasound) est une sonde à ultrasons initialement développée pour traiter les cancers prostatiques.
L’intervention se réalise au bloc opératoire et dure 50 minutes en moyenne. Elle nécessite une rachianesthésie (anesthésie de la partie inférieure du corps) et un lavement rectal de la patiente la veille puis le matin de l’opération.
Un ballonnet contenant de l’eau froide dégazéifiée pour limiter tout échauffement excessif entoure la sonde qui est introduite par voie rectale. La sonde diffuse alors des ultrasons de haute intensité à travers la paroi rectale. Les nodules endométriosiques sont alors dévitalisés par la température très élevée qui peut atteindre 85 degrés au niveau de la zone cible.
Hospitalisées la veille de l’intervention, les patientes peuvent sortir le lendemain du traitement et reprendre une alimentation normale dès le soir.
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Des résultats prometteurs
Employée depuis septembre 2015 par l’équipe de scientifiques lyonnais, cette technique innovante a été initialement testée sur 5 patientes présentant le profil suivant :
- âgées de plus de 35 ans
- sans projet de grossesse
- absence de lésion endométriosique non digestive
Les premiers résultats encourageants ont ensuite permis de mener d’autres études sur des femmes de plus de 25 ans sans projet de grossesse dans les 3 mois suivant le traitement. Deux études incluant 11 et 12 patientes ont été conduites entre septembre 2015 et juillet 2017, et mai et octobre 2018. Et sur les 23 femmes incluses, 20 ont effectivement été traitées.
Les chercheurs ont ainsi pu observer les résultats suivants :
- Nette atténuation des symptômes digestifs à 1 et 6 mois
- Absence de complications urinaires ou de fistule chez les patientes traitées (à noter que les femmes pouvaient cependant présenter quelques rectorragies dans les suites immédiates).
- Atténuation de la douleur qui pouvait être très invalidante chez certaines patientes jusqu’à empêcher tout rapport sexuel.
- Amélioration de la qualité de vie des patientes.
Forts de ces résultats prometteurs, les chercheurs espèrent obtenir l’autorisation de pouvoir mener début 2019 une nouvelle étude sur une trentaine de patientes. Ils souhaitent ainsi que la sonde obtienne un marquage CE dans l’endométriose digestive afin de généraliser l’utilisation de cette technique :
« Nous sommes les seuls à pratiquer aujourd’hui cette méthode dans le monde. Cependant, plusieurs équipes, en France, sont intéressées par cette technique, qui nécessitera malgré tout d’avoir une bonne expertise en échographie. A Lyon, nous travaillons avec l’Inserm et la société Edap-TMS à la modélisation d’une nouvelle sonde dédiée à la prise en charge de l’endométriose, ainsi qu’à une amélioration des connaissances des effets thérapeutiques des Hifu sur l’endométriose grâce à un modèle animal. »
Nul doute que ces nouveaux travaux ouvriront la voie à de nouvelles découvertes dans le traitement de l’endométriose qui touche une femme sur 10 en âge de procréer.
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Déborah L., Docteur en Pharmacie