Lupus : une nouvelle génération de médicaments en perspective

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Rédigé par Julie P. et publié le 18 janvier 2019

Chaque année, en France, plus de 2500 personnes sont diagnostiquées avec un lupus. Depuis plusieurs années, des chercheurs de l’INSERM ont travaillé sur le décryptage du rôle d’une protéine inflammatoire appelée la Fas-L. Après avoir validé l’efficacité de molécules inhibitrices de cette protéine sur des souris atteintes de la maladie auto-immune, l’équipe de recherche s’apprête à passer aux études cliniques. Zoom sur cette piste thérapeutique très prometteuse pour les patients atteints de lupus.

Lupus

Découverte de la version soluble de FAS-L

Tout débute dans le laboratoire de Patrick Legembre, directeur de recherche en immuno-oncologie à l’INSERM de Rennes. Son équipe a révélé que les patients atteints de lupus ou d’un cancer du sein avaient une concentration très élevée de FAS Ligand (FAS-L) dans le sang.  Une concentration en FAS-L qui est d’ailleurs proportionnelle à la gravité de la maladie.

À savoir ! La FAS-L est une protéine complexe qui est enchâssée dans la membrane de la cellule. Son rôle est de réguler la réponse immunitaire (réponse de défense) de la cellule et de déclencher l’autodestruction de la cellule (on parle ici d’apoptose) suite à un signal (cellule infectée ou cellule cancéreuse).

En 2016, l’équipe a mis à jour un nouveau mécanisme clef concernant cette protéine : la forme soluble de Fas-L, jusqu’ici inconnue, pouvant déclencher une réaction inflammatoire.

« Il faut bien distinguer les rôles de Fas-L dans la régulation de la réponse immunitaire et dans l’inflammation, car ils sont déclenchés par deux formes différentes de la protéine : membranaire ou soluble » insiste Patrick Legembre dans un communiqué de presse de l’INSERM.

En allant toujours plus dans le détail, l’équipe a montré qu’une région spécifique de la protéine FAS-L appelée CID (pour Calcium-Inducing Domain) déclenche des phénomènes d’inflammation une fois que l’enzyme PLCγ1 vient s’y fixer.

Pour les chercheurs, cette voie de signalisation activée entraîne l’accumulation de cellules inflammatoires dans les organes endommagés des patients atteints de lupus, aggravant ainsi  la maladie.

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A la recherche de la molécule thérapeutique

Pour bloquer cette interaction CID- PLCγ1 sans bloquer néanmoins le rôle de FAS-L dans la régulation de la défense de l’organisme, les chercheurs ont décidé de trouver une molécule thérapeutique imitant le domaine CID pour piéger l’enzyme PLCγ1 et l’empêcher ainsi d’aller se fixer sur FAS-L.

En testant les effets de 1 280 molécules, ils ont trouvé un candidat potentiel : le ritonavir.

À savoir ! Le ritonavir est indiqué en association avec d’autres antirétroviraux pour le traitement des patients infectés par le VIH (adultes et enfants de 2 ans et plus).

En parallèle, l’équipe de chercheurs a collaboré avec des chimistes pour mettre au point  des peptides (petites protéines) ressemblant fortement au CID.

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Des essais cliniques bientôt au CHU de Bordeaux

L’effet inhibiteur du Ritonavir et des peptides proches du CID a été testé in vitro, puis in vivo chez la souris modèle de la maladie du lupus.

Contre toutes attentes, les deux types de molécules ont diminué l’intensité des symptômes chez les rongeurs.

« L’injection de ritonavir et du peptidomimétique CID à des souris lupiques a atténué les symptômes cliniques, ouvrant ainsi une nouvelle voie à la génération de médicaments pour les patients lupiques «  souligne les chercheurs dans leurs travaux publiés dans la revue Nature Chemical Biology.

Comme le ritonavir et ses dérivés sont reconnus comme des médicaments, ils devraient être prochainement testés, sous réserve de l’obtention de financements, dans un essai clinique chez des patients atteint de lupus au CHU de Bordeaux.

La découverte de cette protéine FAS-L est un véritable espoir pour le traitement du lupus et du cancer du sein, mais aussi, pour d’autres pathologies auto-immunes ou inflammatoires comme le syndrome du côlon irritable, la polyarthrite rhumatoïde ou le psoriasis.

« Le Fas-L soluble, longtemps ignoré, est une cible thérapeutique d’avenir » affirme Patrick Legembre.

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Julie P., Journaliste scientifique

– Vers un nouveau traitement du lupus ? INSERM. Consulté le 9 janvier 2019.
– Disrupting the CD95–PLCγ1 interaction prevents Th17-driven inflammation. Nature Chemical Biology. A. Poisonnier et al. Consulté le 9 janvier 2019.