La maladie de Behçet, ou syndrome d’Adamantiadès-Behçet, est une maladie inflammatoire des vaisseaux sanguins. Elle est essentiellement caractérisée par une atteinte des muqueuses, telle des aphtes buccaux et génitaux récidivant, associée à une atteinte oculaire. De très nombreux organes peuvent également être touchés, sauf les reins où les cas sont très rares.
Définition et origine
La maladie de Behçet fait partie des vascularites, c’est-à-dire des pathologies inflammatoires des vaisseaux sanguins. Elle se manifeste en moyenne vers l’âge de 30 ans et plus généralement entre 15 et 45 ans. Cependant, des cas pédiatriques ont également été observés. Elle touche les deux sexes avec une sévérité accrue chez les hommes.
La maladie de Behçet présente une prévalence qui diffère selon l’origine géographique. En effet, la maladie est rencontrée majoritairement le long de la « route de la soie » reliant l’Asie de l’Est et le bassin méditerranéen. La Turquie est le pays le plus touché avec une prévalence de 1 sur 230 à 1 sur 1000 personnes atteintes chaque année contre 1 sur 10 000 au Japon. En Europe, la maladie de Behçet est plus rare avec une prévalence de 1 sur 40 000 à 1 sur 100 000 selon les pays. Les pays européens les plus touchés sont ceux du bassin méditerranéen comme l’Italie.
La cause de la maladie de Behçet n’est actuellement pas connue. De manière générale, l’inflammation résulte d’une réponse face à une agression. Dans le cas de la maladie de Behçet, le mécanisme de déclenchement de cette inflammation n’est pas connu. Les chercheurs pensent que l’origine de l’inflammation pourrait provenir d’une infection conduisant à une réaction anormale du système immunitaire. Cependant, aucun virus ni bactérie n’a pu être mis en évidence chez les patients.
À savoir ! Il y a 2 500 ans, Hippocrate fut probablement le premier à décrire cette pathologie. Il décrit une maladie présente en Asie mineure et caractérisée par la présence d’ulcérations aphteuses ainsi qu’une atteinte ophtalmique conduisant à une perte de la vue des personnes. Par la suite, la description de la maladie fut approfondie durant le XXème siècle par le médecin grec Adamantiadès et par le dermatologue grec Huluci Behçet qui donna son nom à la maladie. On parle alors de Maladie de Behçet ou d’Adamantiadès-Behçet.
Symptômes de la maladie de Behçet
La maladie de Behçet présente des manifestations très variées. En effet, cette maladie peut toucher uniquement quelques organes ou bien être systémique. Elle peut se manifester par différentes atteintes ne se développant par forcément chez tous les patients. De manière générale, les patients ne développent que quelques manifestations. Certains signes, comme une importante fatigue ainsi qu’une fièvre périodique, sont présents chez la plupart des patients. Les différentes atteintes sont :
- Aphtes : Ils représentent la manifestation principale de la maladie de Behçet et concernent plus de 98% des patients. Les aphtes sont des ulcérations, c’est-à-dire des petites plaies présentes au niveau de la bouche et pouvant également atteindre les organes génitaux. Ils peuvent se manifester au niveau de la langue, des lèvres, du palais et à l’intérieur des joues. Ils persistent généralement une dizaine de jours avant de réapparaître par poussée. Chez l’homme, ils peuvent également apparaître au niveau de la verge et du scrotum. Dans le cas de la femme, ils peuvent se manifester sur les petites et grandes lèvres, le vagin et le col de l’utérus. Ils peuvent également se développer tout le long du tube digestif et notamment au niveau de l’intestin pouvant provoquer de fortes douleurs au ventre (coliques) associées à de la fièvre et des diarrhées. Des complications peuvent apparaître telles que des hémorragies et des perforations intestinales conduisant à une hospitalisation des patients en urgence.
- Atteinte des yeux : L’œil est un organe très irrigué et est donc souvent atteint lors de l’inflammation des vaisseaux. Cette inflammation peut toucher la rétine (vascularite rétinienne) ainsi que les chambres antérieure et postérieure de l’œil (uvéites). Ces atteintes peuvent affecter la vision du patient en provoquant une vision floue, une diminution de l’acuité visuelle, une sensibilité accrue à la lumière (photosensibilité), des douleurs, un larmoiement et une coloration rouge du « blanc de l’œil ». A terme, cela peut conduire à une perte totale de la vision.
- Atteinte cutanée : La maladie de Behçet peut également se manifester par un « érythème noueux », c’est-à-dire de petites « boules » (nodules) apparaissant sur les jambes. Ces nodules sont généralement rouges et douloureux à la palpation.
- Atteinte articulaire et musculaire : L’inflammation des articulations (arthrite) au niveau des genoux, poignées et chevilles peut se manifester chez les personnes atteintes de la maladie de Behçet. Plus rarement, ces inflammations peuvent toucher la colonne vertébrale et le bassin. Des douleurs musculaires peuvent également survenir et conduire à une diminution des mouvements. Ces atteintes articulaires et musculaires peuvent être à l’origine de la fatigue des malades.
- Atteinte du système nerveux : Des lésions du cerveau peuvent survenir et provoquer des crises d’épilepsie, des paralysies ainsi qu’une faiblesse musculaire. Par ailleurs, des encéphalites, c’est-à-dire une atteinte complète du cerveau, ou une myélite, atteinte de la moelle épinière, peuvent également survenir. Ces atteintes peuvent être graves et conduire à une paralysie des jambes et des bras de manière irréversible. Dans de très rares cas, les atteintes du système nerveux peuvent conduire à une démence, un trouble de l’attention, de la concentration, de la mémoire et de la perception. Enfin, les maux de tête sont très fréquents, persistants et ils touchent une grande partie des malades.
- Atteinte des vaisseaux : L’inflammation des vaisseaux peut conduire à la formation de caillots obstruant progressivement les veines, on parle alors de thrombose veineuse. Ceci est généralement caractérisé par des crampes, des picotements et des douleurs lorsqu’il y a une atteinte des jambes. Par ailleurs, des complications peuvent apparaître dans de très rares cas à la suite de l’atteinte des artères de gros calibre (aorte, artères pulmonaires, etc…).
Ces différentes atteintes sont causées par une inflammation des vaisseaux sanguins qui en s’altérant n’assurent plus leur fonction d’irrigation et d’apport en oxygène aux différents organes. Ces derniers ne deviennent plus capables d’assurer correctement leur fonction et provoquent à terme de sévères complications comme une cécité, un dysfonctionnement des reins dans de très rares cas, du système nerveux …
L’évolution de la maladie est très variable et est caractérisée par des périodes de poussées entrecoupées de périodes de rémissions. Les poussées présentent des caractéristiques différentes selon les patients (fréquence, intensité etc…). De plus, pour un même patient, ces périodes de poussées peuvent être très différentes les unes par rapport aux autres. L’intensité de la maladie de Behçet est plus importante chez l’homme que chez la femme et elle a tendance à diminuer avec l’âge.
Diagnostic
Le diagnostic de la maladie de Behçet est uniquement clinique et s’établit sur les symptômes des malades. Des signes tels que le développement d’aphtes buccaux ou génitaux, d’une inflammation oculaire et d’une atteinte cutanée sont caractéristiques de la maladie de Behçet. Il n’existe pas de test de dépistage de cette pathologie.
Certains examens complémentaires permettent d’établir un lien de causalité avec la maladie de Behçet ou d’écarter d’autres maladies similaires. Des tests cutanés comme le test de pathergie (détection de l’apparition d’une pustule rouge après que la peau de la personne ait été piquée à l’aide d’une aiguille) permettent de mettre en évidence une inflammation cutanée. Des analyses sanguines permettent d’établir s’il y a une atteinte de la fonction rénale, une anémie, la présence d’une inflammation (augmentation du nombre de globules blancs responsables des défenses immunitaires) ainsi que la vitesse de sédimentation, c’est-à-dire la vitesse à laquelle les éléments du sang tombent librement (plus importante lors d’une inflammation). Le diagnostic des atteintes neurologiques et des vaisseaux se réalise au moyen d’imageries tels que le scanner et l’IRM (imagerie par résonance magnétique).
Traitements
Actuellement, il n’existe pas de traitement curatif et spécifique de la maladie de Behçet. Les traitements actuels permettent d’atténuer et de contrôler les symptômes de la maladie en limitant l’atteinte des organes. Ces traitements dépendent de la nature et de la gravité des symptômes.
Dans le cas d’une atteinte cutanée, comme la présence d’aphtes, un traitement à base de corticoïdes peut être appliqué localement afin de diminuer l’inflammation. Dans le cas d’atteinte oculaire, l’utilisation de corticoïdes sous forme de gouttes pour les yeux (collyre) suffisent généralement à diminuer l’inflammation de l’œil. Ils sont fréquemment associés à des mydriatiques (médicaments dilatateurs de la pupille) afin de diminuer le risque de complication de l’uvéite (cataracte ou glaucome réduisant ainsi la vision du malade). Cependant, certaines lésions sont irréversibles et entraînent à terme une cécité. Toutefois, l’utilisation de corticoïdes ne suffit pas chez tous les malades. Une association avec un immunosuppresseur peut être nécessaire. L’immunosuppresseur permet de diminuer rapidement l’inflammation et l’évolution de la maladie. Dans le cadre d’obstruction des vaisseaux, un traitement par anticoagulant peut être utile afin d’éviter toutes complications (rupture d’anévrisme etc…).
Où en est la recherche ?
Les projets de recherches visent à mieux caractériser la cause de la maladie de Behçet ainsi que d’étudier la présence de marqueurs biologiques permettant son diagnostic précoce et un traitement plus spécifique (les traitements comme les anti-TNF et l’interféron alpha sont également étudiés).
Baptiste G. Biologiste spécialisé en immunologie
– Behçet (Maladie de). Société Nationale Française de Médecin Interne. David SAADOUN. Juin 2014
– Maladie de Behçet : d’Hippocrate aux antagonistes du TNF-α. Revue médicale suisse. Zuber et al. Volume 4. 1045-1054. 2005