Et s’il suffisait de prendre une pilule pour réparer une peine de cœur ?

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Rédigé par Julie P. et publié le 1 mars 2019

Comment soigner rapidement un coeur brisé par un chagrin d’amour ? En plus d’un soutien psychologique adapté, nous avons désormais à notre disposition une molécule thérapeutique, le propranolol permettant, à priori, de panser les douloureuses plaies émotionnelles. Comment agit cette thérapie mise au point par le Professeur canadien Alain Brunet ?

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Des premiers travaux sur des patients souffrant de stress post-traumatique

Tristesse, dépression , chagrin, manque de confiance en soi, irritabilité, isolement social… les peines de cœur peuvent nous faire sombrer rapidement et pour longtemps.

Pour relever le cap, Alain Brunet, professeur de psychologie à l’université McGill de Montréal, s’est intéressé tout particulièrement à la molécule propranolol.

À savoir ! Le propranolol est un bêtabloquant (inhibiteur des récepteurs à l’adrénaline) utilisé pour diminuer l’hypertension artérielle. Il est aussi utilisé dans la prise en charge de la migraine et du trac.

Initialement, l’évaluation de cette molécule dans le cadre d’une étude clinique n’était pas destinée aux patients souffrant d’une peine de cœur mais à ceux ayant subi un stress post-traumatique.

À savoir ! Un état de stress post-traumatique (ESPT) est un trouble mental consécutif à un événement traumatique (attentat, guerre, agressions, etc.) Il se manifeste par des pensées intrusives, des conduites d’évitement et des perturbations de la fonction cognitive (raisonnement) et de l’humeur.

Pendant douze ans, l’équipe d’Alain Brunet, en collaboration avec des hôpitaux canadiens et français, a testé la première psychothérapie assistée d’une molécule pharmacologique.

Son objectif ? Agir sur la mémoire émotionnelle des victimes d’ESPT pour modifier les symptômes douloureux associés à un souvenir psycho-traumatique.

Grâce à de nombreux essais cliniques chez des individus (250 publications scientifiques) victimes d’ESPT, l’équipe d’Alain Brunet a mis au point une thérapie, en 2008, permettant de soulager le patient de son traumatisme psychologique en 6 semaines. Avec un taux de réussite de 70%, cette thérapie diminue l’intensité d’un souvenir pour atténuer les symptômes s’y rapportant.

400 patients ayant subi les attentats de Paris et de Nice ont bénéficié de cette thérapie.

Aujourd’hui, une étude est en cours pour suivre les patients pendant une année et non plus pendant seulement six mois.

Après des études cliniques réussies portant sur 30 patients ayant subi des « trahisons amoureuses », Alain Brunet a élargi le traitement aux ruptures amoureuses très invalidantes et impactant sévèrement la santé mentale (cauchemars, crises d’anxiété) et physique (crise de panique, troubles alimentaires, maux de tête, etc.) du patient.

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Diminuer le traumatisme lié au souvenir de la rupture amoureuse

Dans cette étude clinique sur 30 patients ayant souffert d’une rupture amoureuse, les chercheurs ont montré que leurs symptômes de stress se sont améliorés de 60% comparativement aux groupes témoins composés de 30 patients trahis par leurs conjoint(es) mais n’ayant pas suivi la thérapie.

Pour les chercheurs, le médicament bloquerait les hormones de stress et atténuerait le côté émotionnel du souvenir. Avec le temps, le souvenir est toujours présent, mais les émotions (chagrin, tristesse) qui s’y rapportent ont perdu en intensité.

Le protocole de traitement, nommées méthode Brunet ™ ou thérapie de la reconsolidation ™, consiste à se remémorer le souvenir douloureux en le lisant sous l’effet du propanolol. Le but est de réactiver le récit douloureux dans les moindres détails.

Au fil des six séances avec un psychothérapeute formé à la méthode, la douleur psychique associée à la rupture amoureuse perd en intensité et le patient ressent moins la charge émotionnelle et les éventuelles manifestations physiques (anxiété, palpitations, etc.) en relation avec le souvenir.

Comme pour tout traitement innovant, la méthode a dû essuyer les critiques. Sur le plan déontologique, certains se sont demandés s’il est louable d’utiliser une pilule pour oublier un chagrin d’amour.

Pour le Professeur Brunet, qui a répondu aux journalistes québécois du site internet LaPresse.ca, le problème éthique est ailleurs et notamment dans « la surconsommation et la surprescription des antidépresseurs ».

Actuellement, des médecins français sont formés à cette thérapie.

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Julie P., Journaliste scientifique

– Une pilule pour les coeurs brisés. La presse.ca. P.Teisceira-Lessare. Consulté le 26 février 2019.