Toutes les vitamines sont essentielles pour la santé. Mais certaines d’entre elles seraient-elles dotées de capacités insoupçonnées ? Les vitamines A et C pourraient agir directement sur l’ADN des cellules, et ainsi modifier la mémoire cellulaire, selon une récente étude.
Mémoire cellulaire et médecine régénérative
Qu’est-ce que la mémoire cellulaire ? Dans les premiers stades de développement de l’embryon humain, toutes les cellules sont omnipotentes, c’est-à-dire qu’elles ont la capacité de se transformer en n’importe quel type de cellule du corps humain (cardiaque, pulmonaire, cutanée, nerveuse,…).
Lors de la formation des tissus et des organes, ces cellules vont progressivement se spécialiser et perdre cette omnipotence. Cette différenciation des cellules est déterminée au niveau de l’ADN par des changements dits épigénétiques (qui viennent se greffer sur l’ADN), qui contrôlent la régulation de l’ensemble des gènes.
Ainsi, chaque type de cellule se distingue des autres par un ensemble spécifique de changements épigénétiques, qui correspond à la mémoire cellulaire.
Depuis quelques années, la médecine régénérative se développe dans le but de pouvoir traiter des maladies jusque-là incurables. Cette nouvelle approche requiert l’utilisation de cellules omnipotentes, comme les cellules embryonnaires, pour pouvoir régénérer n’importe quel type cellulaire à la demande.
Mais, les chercheurs se retrouvent confronter à une difficulté. Par quels moyens obtenir une cellule embryonnaire à partir d’une cellule spécialisée adulte ? Comment éliminer la mémoire cellulaire d’une cellule différenciée ?
A savoir ! Les cellules embryonnaires sont différentes des cellules souches présentes dans le sang de cordon ombilical ou dans la moelle osseuse. Les cellules souches possèdent la capacité de se transformer en quelques types de cellules, tandis que les cellules embryonnaires peuvent se différencier en n’importe quel type de cellule.
Pour répondre à ces questions et faire avancer la médecine régénérative, les chercheurs s’intéressent aux substances qui pourraient agir directement sur l’ADN et les changements épigénétiques.
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L’influence des vitamines A et C sur la mémoire cellulaire
Dans cette optique, des chercheurs ont étudié comment les vitamines A et C affectent les changements épigénétiques, en particulier la méthylation de l’ADN (modification chimique de l’ADN).
La méthylation de l’ADN est en effet le changement épigénétique le mieux connu et le plus fréquent. Les cellules embryonnaires omnipotentes présentent un très faible taux de méthylation, à l’inverse des cellules adultes différenciées. La déméthylation de l’ADN (suppression de la méthylation) pourrait ainsi constituer un mécanisme central pour éliminer la mémoire cellulaire.
Dans l’organisme, certaines enzymes, les TET, sont naturellement capables de déméthyler l’ADN. Les résultats obtenus au cours d’une récente étude montrent que les vitamines A et C affectent directement l’ADN en agissant sur les TET :
- La vitamine A entraîne une augmentation du taux de TET dans les cellules ;
- La vitamine C accroît leur activité.
Ces deux vitamines participent ainsi à la déméthylation de l’ADN par des mécanismes différents et potentiellement synergiques. Elles pourraient ainsi être très utiles pour les chercheurs qui tentent de reprogrammer des cellules pour des applications en médecine régénérative.
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Vitamines A et C : Un impact sur le traitement de certaines leucémies
Plus précisément, la vitamine A agit sur l’enzyme TET2. Or, cette enzyme est déjà connue pour son rôle dans la suppression des tumeurs. Chez un certain nombre de patients atteints de cancers hématologiques, la TET2 est mutée et cette mutation constitue un facteur de mauvais pronostic.
Dans le cas de la leucémie promyélocytaire aigüe (la forme la plus meurtrière de leucémie aigüe), certains patients sont résistants au traitement, basé sur un dérivé de la vitamine A (l’acide tout- transrétinoïque).
La mise en évidence d’un effet de la vitamine A sur l’enzyme TET2 pourrait en partie expliquer l’échec thérapeutique chez ces patients. Des travaux complémentaires sont nécessaires pour mieux expliquer ce phénomène et adapter si besoin le traitement de cette leucémie aigüe.
Les vitamines A et C seraient capables de modifier la mémoire cellulaire et d’influencer la différenciation des cellules, en agissant directement sur l’ADN. Ces résultats constituent un apport important dans les progrès de la médecine régénérative et pourraient également avoir des retombées dans le traitement de certains cancers.
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Estelle B., Docteur en Pharmacie
Hore, T.A. et al. Retinol and ascorbate drive erasure of epigenetic memory and enhance reprogramming to naïve pluripotency by complementary mechanisms. 2016. Proceedings of the National Academy of Sciences; 201608679 DOI:10.1073/pnas.1608679113.