La prise en charge de l’alcoolodépendance constitue un enjeu majeur de santé publique. Toutes les pistes sont étudiées, et notamment celles des substances hallucinogènes. L’une d’entre elles, la psilocybine, pourrait s’avérer intéressante, selon des résultats préliminaires, présentés lors du dernier congrès de l’American Psychiatric Association à San Francisco.
Alcoolodépendance et substances hallucinogènes
La recherche de nouvelles substances thérapeutiques utilisables en psychiatrie s’intéresse de près aux substances dites psychédéliques. Parmi ces substances, deux font l’objet d’un intérêt croissant :
- La psilocybine, un hallucinogène naturel, puisqu’il s’agit du principe actif des champignons hallucinogènes de la famille des Psilocybes ;
- Le LSD, l’acide lysergique diéthylamide.
Ces deux substances activent la voie d’un neurotransmetteur particulier, la sérotonine. Elles suscitent l’intérêt des chercheurs pour leur potentiel intérêt dans le traitement de certaines affections psychiatriques.
Récemment, des chercheurs américains se sont penchés sur l’effet de la psilocybine dans la dépendance à l’alcool, ou alcoolodépendance. Et cette substance psychédélique pourrait s’avérer particulièrement intéressante.
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La psilocybine associée à la psychothérapie
Dans un récent essai clinique contrôlé et randomisé en double aveugle, les chercheurs ont étudié l’effet de la psilocybine associée à la psychothérapie sur 180 patients dépendants à l’alcool. Les patients étaient répartis aléatoirement en deux groupes :
- Un groupe recevant 24 à 40 mg de psilocybine 1 fois par mois pendant 2 mois ;
- Un groupe recevant 50 à 100 mg de diphénydramine 1 fois par mois pendant 2 mois (cet antihistaminique n’a aucun effet sur la dépendance à l’alcool et constituait donc le médicament contrôle de l’essai).
Parallèlement, tous les patients bénéficiaient de deux types de psychothérapie :
- Une psychothérapie associant un entretien motivationnel et une thérapie cognitivo-comportementale ;
- Une psychothérapie spécifiquement adaptée à l’utilisation de substances psychédéliques.
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Des substances psychédéliques en psychiatrie
Les données préliminaires de l’essai, issues de l’expérience de 56 patients, mettent en évidence que deux doses de psilocybine administrées sur une période de 8 semaines pourraient réduire significativement chez les patients alcoolodépendants :
- La consommation d’alcool ;
- Les envies irrépressibles de boire.
Ces résultats prometteurs doivent désormais être confirmés, une fois que l’ensemble des données de l’étude seront disponibles. Dans tous les cas, l’utilisation de substances psychédéliques doit être envisagée avec de multiples précautions, en raison des effets secondaires potentiels et d’un risque important de mésusage.
Ces résultats s’inscrivent dans un cadre plus large. La psychiatrie s’intéresse en effet de plus en plus aux substances psychédéliques, la psilocybine dans la dépendance à l’alcool, mais aussi dans les troubles dépressifs majeurs, ou encore l’ecstasy dans le traitement du stress post-traumatique. Des années de recherche seront nécessaires avant de confirmer ou non l’intérêt de ces substances psychédéliques dans un cadre thérapeutique.
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Estelle B. / Docteur en Pharmacie