Faut-il aussi contre-indiquer le valproate chez l’homme ?

Actualités

Rédigé par Estelle B. et publié le 12 décembre 2023

Plusieurs médicaments antiépileptiques ont été pointés du doigt ces dernières années pour leurs effets tératogènes. Parmi eux, le valproate et ses dérivés, désormais contre-indiqués au cours de la grossesse et à éviter chez les femmes en âge de procréer. Mais que se passe-t-il lorsque le futur père prend l’un de ces traitements au moment de la conception ? Doit-il également stopper son traitement ? Des conséquences sont-elles à craindre pour le futur enfant ? Santé Sur le Net vous apporte des réponses à ces questions.

Dépakine et grossesse

Valproate et dérivés interdits pendant la grossesse

L’acide valproïque ou valproate est un médicament utilisé dans le traitement de l’épilepsie. Parallèlement, le divalproate de sodium et le valpromide sont prescrits dans le traitement des troubles bipolaires. Tous ces médicaments sont métabolisés dans le corps humain en acide valproïque. Or plusieurs études ont montré l’existence d’effets tératogènes avec ces médicaments. Le valproate se révèle un agent tératogène puissant, responsable :

  • De malformations congénitales (chez plus de 10 % des enfants exposés in utero) ;
  • De troubles neurodéveloppementaux (chez 30 à 40 % des enfants exposés in utero).

En France, le valproate et ses dérivés sont contre-indiqués chez les femmes enceintes, mais aussi chez les femmes en âge de procréer sans contraception efficace depuis juillet 2017. Depuis juin 2018, cette décision a été entérinée au niveau européen. Désormais, ces médicaments sont interdits pendant la grossesse et ils ne doivent plus être prescrits aux femmes en âge de procréer.  Ces interdictions et contre-indications figurent même sur l’emballage des médicaments avec un pictogramme et une mention «  VALPROATE + GROSSESSE = INTERDIT ».

Et si le futur père prend du valproate ?

Certaines femmes peuvent néanmoins être traitées par l’un de ces médicaments, lorsqu’aucune autre alternative thérapeutique n’est possible : les autres traitements sont inefficaces ou non tolérés. En effet, l’épilepsie en elle-même peut avoir des conséquences sur le déroulement de la grossesse. Pour ces femmes, plusieurs conditions doivent être remplies pour qu’elles puissent suivre un traitement par le valproate :

  • Une information complète sur les risques liés à la prise de ces médicaments ;
  • Une réévaluation annuelle de l’intérêt du traitement ;
  • La prise d’une contraception efficace : implant ou dispositif intra-utérin ou association d’une contraception orale avec le port du préservatif masculin ;
  • La réalisation de tests de grossesse avant la délivrance des traitements ;
  • La signature annuelle d’un accord de soins avec le médecin spécialiste.

Si tout semble mis en œuvre pour éviter l’exposition d’un fœtus aux effets du valproate et de ses dérivés au travers de l’exposition maternelle, qu’en est-il de l’exposition paternelle ? Les études menées chez l’animal et chez l’homme ont montré que le valproate et ses dérivés pouvaient altérer la fertilité masculine, en particulier le nombre et la qualité des spermatozoïdes, la fonction érectile, la sécrétion des hormones sexuelles ou le volume testiculaire.

Pas de don de sperme jusqu’à trois mois après l’arrêt

Au-delà de ces effets qui peuvent nuire au projet de conception du couple, des effets sur le fœtus ont-ils observés lorsque le père est traité par l’un des dérivés du valproate ? Le passage de l’acide valproïque dans le liquide séminal est très faible. Les études menées jusqu’ici n’ont montré aucun effet sur les malformations congénitales chez les enfants dont le père était traité par ces médicaments au cours du trimestre précédant la conception ou au moment de la conception.

En revanche, l’ANSM a relayé récemment les résultats d’une étude suggérant que les enfants nés d’un père traité par le valproate dans les 3 mois précédant la grossesse pouvaient présenter un risque accru de troubles neurodéveloppementaux. Dans l’attente de données complémentaires, l’ANSM invite les hommes concernés à se rapprocher de leur spécialiste pour envisager une alternative thérapeutique avant d’envisager un projet parental. Dans tous les cas, aucun traitement ne doit être stoppé sans avis médical. L’ANSM demande également aux hommes sous valproate de ne pas donner leur sperme pendant le traitement et pendant les trois mois qui suivent l’arrêt du traitement.

Estelle B., Docteur en Pharmacie

Sources
– Le valproate est interdit pendant la grossesse et ne doit plus être prescrit aux filles, adolescentes et femmes en âge de procréer (sauf circonstances exceptionnelles) ansm.sante.fr. Consulté le 29 novembre 2023.
– Acide valproïque – Grossesse et allaitement. www.le-crat.fr. Consulté le 29 novembre 2023.
– Acide valproïque – exposition paternelle. www.le-crat.fr. Consulté le 29 novembre 2023.
– Valproate et dérivés : risque potentiel de troubles neurodéveloppementaux chez les enfants dont le père a été traité dans les 3 mois qui précèdent la conception. ansm.sante.fr. Consulté le 29 novembre 2023.