Sur l’ensemble des grossesses, entre 1 et 2 % s’accompagnent d’une prééclampsie, une complication de la grossesse, qui peut évoluer vers une forme sévère dans 1 cas sur 10. Cette complication peut avoir des conséquences importantes sur la santé de la mère et de l’enfant dans le décours immédiat de la grossesse et de l’accouchement. Et selon une récente étude, elle pourrait aussi impacter durablement les fonctions cognitives de la femme enceinte. Explications.
La prééclampsie et les fonctions cognitives
La prééclampsie est l’une des complications potentiellement graves de la grossesse. Elle se caractérise par deux anomalies :
- Une augmentation de la tension artérielle après la 20ème semaine d’aménorrhée (18 semaines de grossesse) (hypertension artérielle gravidique) ;
- L’apparition de protéines dans les urines, à une concentration supérieure à 0,3 grammes par 24 heures (protéinurie).
Dans 70 à 75 % des cas, la prééclampsie apparaît dès la première grossesse. Son origine est un dysfonctionnement du placenta. Elle peut avoir des conséquences majeures sur la santé de la mère et de l’enfant, et notamment nécessiter un déclenchement prématuré de l’accouchement. D’après les précédentes études, la prééclampsie est également associée à des conséquences à long terme sur les fonctions cardiaques et cardiovasculaires. Récemment, des chercheurs se sont penchés sur le lien entre la prééclampsie et les fonctions cognitives. En effet, certaines femmes déclarent des problèmes cognitifs invalidants suite à une prééclampsie.
Peut-elle affecter les fonctions cognitives exécutives ?
Cette nouvelle étude s’intègre dans un essai clinique transversal de grande ampleur, appelé Queen of Hearts (Reine de cœur), une étude collaborative de cinq centres de référence aux Pays-Bas. Son objectif était de déterminer l’impact de la prééclampsie sur les fonctions cognitives maternelles des décennies après la grossesse concernée.
L’étude a porté sur 1 036 femmes (âgées de plus de 18 ans au moment de la grossesse étudiée) ayant eu une grossesse avec prééclampsie et 527 femmes ayant eu une grossesse sans augmentation de la tension artérielle. Les femmes étaient suivies sur une durée de 6 mois à 30 ans après la grossesse considérée. Les chercheurs se sont particulièrement intéressés aux fonctions cognitives exécutives.
À savoir ! Les fonctions exécutives sont des fonctions cognitives élaborées, telles que la stratégie, la résolution de problèmes, le raisonnement logique, la planification ou encore la logique
9 fois plus de risques d’atteinte des fonctions cognitives après une prééclampsie
Les résultats observés ont révélé que juste après l’accouchement 23,2 % des femmes montraient une atténuation significative des fonctions exécutives après une grossesse avec prééclampsie, contre seulement 2,2 % chez les femmes sans troubles de la tension artérielle pendant la grossesse. Cette différence entre les fonctions cognitives des femmes avec ou sans prééclampsie se réduisait au fil des années, tout en restant significative sur une période d’au moins 19 ans après l’accouchement.
Certaines femmes se révélaient plus à risque de perte de fonctions cognitives, en lien avec :
- Un faible niveau d’éducation ;
- Des troubles de l’humeur ou des troubles anxieux ;
- L’obésité.
En revanche, la sévérité de la prééclampsie, la multiparité (grossesses multiples), le mode d’accouchement (voie basse ou césarienne) ou la prématurité ne modifiaient pas le lien entre prééclampsie et fonctions cognitives.
D’après cette nouvelle étude, les femmes atteintes de prééclampsie auraient un risque multiplié par 9 de voir leurs fonctions exécutives impactées par cette complication de la grossesse et ce pour près de 20 ans. Reste à savoir s’il existe un lien de causalité entre la prééclampsie et les pertes cognitives et quels en sont les mécanismes.
Estelle B., Docteur en Pharmacie