Des chercheurs de l’université orientale de Finlande viennent de mettre en évidence un risque jusqu’ici insoupçonné. Les opioïdes analgésiques, comme l’oxycodone ou le fentanyl, aggravent le risque de pneumonie de 30 % chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
La pneumonie chez les personnes âgées
La pneumonie est une infection pulmonaire à l’origine d’hospitalisation et de surmortalité chez les personnes âgées de plus de 65 ans. Et, donc, chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer (MA). C’est un problème de santé publique en raison de sa fréquence et de sa gravité.
Les symptômes de l’infection sont une fièvre, un essoufflement, des douleurs thoraciques et des troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée).
Cette pneumonie peut faire suite à une grippe ou une contagion interhumaine via les sécrétions nasales ou buccales (éternuements, toux, contact physique).
Avec une antibiothérapie, la pneumonie peut être guérie en deux semaines, mais un âge avancé et la présence d’autres pathologies peuvent être à l’origine de nombreuses complications médicales (septicémie, abcès pulmonaire, inflammation de la plèvre) nécessitant l’hospitalisation.
Après avoir montré, en 2017, que la prise de benzodiazépines (anxiolytiques) augmentait, dans cette population, le risque de pneumonie de 30 %, l’équipe de chercheurs dirigé par Sirpa Hartikainen a voulu savoir si l’utilisation d’opiacés analgésiques pouvait favoriser aussi la survenue de cette pathologie respiratoire.
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Les opioïdes analgésiques augmentent le risque de pneumonie
Pour la première fois, des chercheurs vont s’intéresser à ce sujet de l’association entre les opioïdes et la pneumonie dans une population de personnes touchées par la MA.
À savoir ! Les antalgiques opioïdes sont classés selon leur puissance d’action sur les récepteurs qu’ils ciblent. Ainsi, parmi les antalgiques opioïdes faibles, on retrouve la codéine, le tramadol. Les antalgiques opioïdes forts regroupent la morphine, le fentanyl et l’oxycodone. Les opioïdes ont un intérêt majeur dans le soulagement des douleurs chroniques mais, ils présentent de réels risques de complications médicales comme la dépendance, des apnées du sommeil et des douleurs généralisées ou un risque de surdosage.
Pour rassembler les données et les publier dans la revue Journal of Alzheimer’s Disease, les chercheurs se sont basés sur l’étude la cohorte MEDALZ (étude de l’utilisation de médicaments chez les personnes atteintes de la MA) qui comprenait des Finlandais atteints de la MA en 2010-2011.
Chaque personne qui prenait des opioïdes était associée à une personne de même âge, de même sexe, d’une durée équivalente du diagnostic de la MA mais ne prenant pas ce type d’antidouleurs.
Après une comparaison des données médicales de chacun des 5623 binômes, les chercheurs arrivent à mettre en évidence que :
- Les antalgiques opioïdes sont associés à une augmentation de 30 % du risque de pneumonie chez les personnes atteintes de la MA ;
- Le risque est le plus prononcé au cours des deux premiers mois d’utilisation de l’antidouleur ;
- Le risque de pneumonie est plus élevé chez les utilisateurs d’opioïdes forts (l’oxycodone ou le fentanyl) que ceux utilisant la buprénorphine, le tramadol ou la codéine ;
- Le risque était plus élevé chez les personnes utilisant plus de 50 milligrammes d’équivalents morphine (MEM) par jour par rapport à une utilisation inférieure à 50 MME / jour.
À savoir ! La morphine orale est utilisée comme référence pour comparer les puissances analgésiques de différents opioïdes. Les professionnels de la santé établissent la consommation quotidienne d’opioïdes en convertissant d’abord la dose d’opioïde d’un patient en milligrammes d’équivalent morphine (MEM*) puis en calculant la posologie quotidienne totale exprimée en MEM par jour (MEM/J). Les équivalents milligrammes de morphine sont obtenus grâce à une table de conversion (table de dosage équianalgésique) qui répond à l’article L.110-5 et 1112-4 du code de la santé publique.. Par exemple; 60 mg de codéine ou 50mg de tramadol correspondent à 10 mg de morphine. Aussi, 3,33 mg de morphine en intraveineuse correspondent à 10 mg de morphine orale. 0,2 mg de buprénorphine correspondent à 6 mg de morphine orale.
Mais, comment expliquer médicalement ce lien ?
Pour les chercheurs, les opioïdes ont des effets physiologiques qui peuvent aggraver le risque de développement de la pneumonie. Ils altèrent le réflexe de la toux et des fonctions respiratoires tout en entraînant une sédation (apaisement au moyen d’une substance psychotrope).
Même si les opioïdes jouent un rôle important dans le traitement de la douleur aiguë sévère, le traitement doit être prescrit à faible dose et évalué régulièrement.
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Julie P,. Journaliste scientifique
– Hospital-Treated Pneumonia Associated with Opioid Use Among Community Dwellers with Alzheimer’s Disease. Content.iospress.com. Consulté le 11 juin 2019.