Goutte


Rédigé par Estelle B. et publié le 13 décembre 2018

La goutte est une pathologie rhumatismale, affectant surtout les hommes après l’âge de 40 ans. Elle fait partie des hyperuricémies, c’est-à-dire des affections liées à un excès d’acide urique dans le sang. L’articulation la plus touchée est celle du gros orteil. Plusieurs aspects du mode de vie sont directement impliqués dans le développement et l’évolution de la maladie goutteuse, dont le traitement repose sur des mesures hygiéno-diététiques et des médicaments destinés à soulager les symptômes et à diminuer le taux sanguin d’acide urique.

Homme souffrant de goutte

Définition et mécanismes

C est une pathologie rhumatismale chronique, qui appartient aux hyperuricémies, c’est-à-dire aux pathologies associées à un taux anormalement élevé d’acide urique dans le sang. Elle appartient à la classe des arthropathies microcristallines ou rhumatismes microcristallins, classe dans laquelle se retrouvent des maladies articulaires provoquées par des dépôts de cristaux de calcium, comme la chondrocalcinose.

Des cristaux microscopiques constitués d’acide urique peuvent se déposer dans les articulations et les tissus environnants (bourses séreuses, tissu conjonctif), entraînant une inflammation articulaire. Les arêtes vives des cristaux d’acide urique irritent les tissus, provoquent une inflammation et entraînent de violentes douleurs.

Maladie chronique, la goutte se manifeste classiquement par des poussées inflammatoires successives au niveau des articulations, communément appelées des crises de goutte. La crise de goutte est particulièrement douloureuse et survient brutalement. L’articulation la plus touchée est celle du gros orteil, qui devient gonflée et rouge. Plusieurs facteurs favorisants de la goutte sont connus.

Epidémiologie

La goutte est une pathologie rhumatismale fréquente dans la population, affectant environ 0,9 % des Français. Il s’agit de l’arthropathie inflammatoire la plus fréquente dans les pays occidentaux.

Les hommes sont nettement plus touchés que les femmes par la goutte, puisque 80 % des patients goutteux sont de sexe masculin. Chez l’homme, la maladie se déclare généralement après 40 ans et son incidence augmente avec l’âge. Les femmes sont protégées de la goutte jusqu’à la ménopause, grâce aux hormones féminines, et sont touchées plus tardivement par la maladie, après 65 ans.

Les causes et les facteurs favorisants

Si elle a pour origine un excès d’acide urique dans le sang, plusieurs causes ou facteurs de risque ont pu être identifiés :

  • Une prédisposition génétique, caractérisée par une réduction congénitale de la capacité des reins à éliminer l’acide urique présent dans le sang.
  • L’âge et le sexe : avant 65 ans, la goutte est quatre fois plus fréquente chez l’homme, et reste trois fois plus fréquente après cet âge. Chez la femme, le développement de la goutte est intimement lié à l’âge de la ménopause.
  • Une alimentation riche en purines: dans l’organisme, les purines présentes dans les aliments sont dégradées en acide urique. Les aliments riches en purines sont notamment la viande (en particulier la viande rouge, les abats et la charcuterie), certains poissons et les fruits de mer.
  • Une consommation excessive d’alcool, qui réduit l’élimination de l’acide urique par les reins.
  • L’obésité et le syndrome métabolique (association d’obésité, d’hypertension artérielle, de troubles lipidiques et de troubles glucidiques), puisque 75 % des patients goutteux présentent un syndrome métabolique. Inversement, les maladies cardiovasculaires peuvent être une conséquence de la goutte.
  • Une atteinte rénale liée à :
    • La prise de certains médicaments, comme des diurétiques, certains antihypertenseurs, l’aspirine à faible dose, certains immunosuppresseurs, des laxatifs ou encore des médicaments antituberculeux ;
    • L’exposition à certains toxiques, comme le plomb ;
  • L’existence de certaines pathologies (la goutte est dite secondaire) :

À savoir ! L’acide urique provient du métabolisme des purines (composants de base du matériel génétique présent dans toutes les cellules), qui sont issues de l’alimentation ou produites par l’organisme. L’acide urique est ensuite éliminé par voie rénale dans les urines.

La goutte ne survient pas systématiquement chez toutes les personnes qui présentent un taux anormalement élevé d’acide urique dans le sang. Mais chez ces personnes, certains facteurs peuvent déclencher une crise de goutte :

  • Une importante consommation d’alcool ;
  • Un repas copieux à base de viande, de poisson ou de fruits de mer ou riche en graisses ;
  • Un régime alimentaire trop restrictif ou un jeûne ;
  • Une complication du diabète (crise d’acidocétose) ;
  • Une déshydratation (effort physique intense, vomissements ou diarrhée, …) ;
  • Un stress important.

Les symptômes et l’évolution de la goutte

La goutte est une maladie articulaire chronique, qui se caractérise par des poussées inflammatoires successives, les crises de goutte. Les articulations et les tissus autour des articulations sont touchés, l’articulation la plus fréquemment atteinte étant celle du gros orteil. Les autres articulations susceptibles d’être concernées sont :

  • Le pied ;
  • La cheville ;
  • Le genou ;
  • Les doigts ;
  • Le poignet ;
  • Le coude.

La crise de goutte est un épisode particulièrement douloureux, qui débute souvent au repos, pendant le sommeil. L’articulation touchée est gonflée, chaude et rouge (signes d’inflammation), avec une extension possible aux tendons et aux bourses séreuses. Les parties touchées sont extrêmement sensibles à la pression et au toucher. La douleur est extrêmement vive et devient maximale en 6 à 12 heures. Elle peut être précédée avant la crise de picotements, d’une gêne articulaire et d’une perte de mobilité. De la fièvre et des frissons peuvent également apparaître. Sans traitement, la crise régresse en une ou deux semaines.

Au fur et à mesure de l’évolution de la goutte, si elle n’est pas correctement traitée, les crises de goutte peuvent devenir de plus en plus rapprochées. Parallèlement, le nombre d’articulations touchées a tendance à augmenter et les articulations concernées peuvent finir par se déformer, suite à la répétition des crises. Des tophi goutteux, qui ressemblent à de petites masses qui se développent sous la peau, peuvent se développer dans les parties les plus froides de l’organisme, comme :

  • Les coudes ;
  • Les pieds ;
  • Les tendons d’Achille ;
  • Les doigts ;
  • Les oreilles.

Parfois, une substance blanchâtre peut s’écouler à partir des tophi goutteux.

Si la goutte est chronique et mal prise en charge, des dépôts d’acide urique peuvent se former dans l’appareil urinaire (uretères, vessie, …), provoquant des calculs rénaux, à l’origine de coliques néphrétiques. La goutte chronique peut aussi évoluer vers des formes secondaires d’arthrose.

Diagnostic de la goutte

Le diagnostic de goutte repose sur un certain nombre d’éléments cliniques et d’examens complémentaires :

  • Une ou plusieurs crises de goutte caractéristiques ;
  • L’existence d’un ou de plusieurs facteurs de risque de goutte ;
  • Un dosage sanguin du taux d’acide urique, révélant une hyperuricémie, c’est-à-dire un taux d’acide urique supérieur à 6 mg/dl ;
  • Des examens d’imagerie (radiographie, échographie) pour visualiser les articulations atteintes ;
  • Une ponction de l’articulation, pour détecter les cristaux d’acide urique et différencier la goutte de la chondrocalcinose.

À noter ! L’existence d’une hyperuricémie n’est pas suffisante pour poser un diagnostic de goutte. En effet, certaines personnes ont un taux anormalement élevé d’acide urique dans le sang, sans présenter de crises de goutte. A l’inverse, certains patients goutteux ont un taux d’acide urique normal, au moment d’une crise de goutte.

Une fois le diagnostic de goutte posé, il est nécessaire d’évaluer le risque cardiovasculaire du patient. En effet, goutte et maladies cardiovasculaires sont étroitement liées, la goutte augmentant le risque cardiovasculaire.

Prise en charge

La prise en charge médicale de la goutte comporte plusieurs aspects :

  • Le traitement de la crise de goutte ;
  • Le traitement de fond de la goutte ;
  • Des mesures hygiéno-diététiques pour corriger les facteurs de risque et réduire le risque cardiovasculaire.

Pour traiter la crise de goutte, plusieurs médicaments sont disponibles :

  • Des anti-inflammatoires, par voie orale, en application locale, ou injectés directement dans l’articulation touchée, en particulier des anti-inflammatoires non stéroïdiens, comme le diclofénac;
  • Des corticoïdes, qui peuvent être injectés au niveau de l’articulation ou administrés par voie orale ;
  • La colchicine, traitement classique de la crise de goutte, en respectant strictement la posologie prescrite, en raison d’effets indésirables importants.

Parallèlement, l’articulation atteinte doit être mise au repos, si besoin en ayant recours à une orthèse. Un refroidissement avec de la glace peut également contribuer à réduire les symptômes de l’inflammation.

Pour réduire le nombre et la fréquence des crises de goutte, prévenir la formation des tophi goutteux et les complications de la goutte, un traitement de fond peut être nécessaire et doit être prescrit à vie. Le traitement de fond consiste à maintenir le taux sanguin d’acide urique en-dessous d’une certaine valeur. Plusieurs médicaments sont disponibles dans cette indication thérapeutique :

  • L’allopurinol diminue la formation d’acide urique et constitue le traitement de fond de première intention de la goutte ;
  • Le fébuxostat diminue la formation d’acide urique et est prescrit en cas d’inefficacité ou de contre-indication à l’allopurinol ;
  • Les uricosuriques, le probénécide et la benzbromarone augmentent l’élimination rénale de l’acide urique et sont prescrits chez certains patients.

Parallèlement au traitement de fond de la goutte, des mesures hygiéno-diététiques sont nécessaires pour réduire le taux d’acide urique dans le sang, corriger les facteurs de risque de la maladie goutteuse et réduire le risque cardiovasculaire. Ces mesures sont les suivantes :

  • La pratique d’une activité physique régulière et adaptée à la condition physique du patient ;
  • Une alimentation saine et équilibrée, avec :
    • Une baisse de la consommation des aliments riches en purines;
    • Une augmentation des apports laitiers pauvres en graisses ;
    • Une alimentation riche en légumes et en fruits frais ;
    • Une consommation de viandes maigres ;
  • Une diminution de la consommation d’alcools, en particulier un arrêt de la consommation de bière, très riche en purines, et d’alcools forts ;
  • Une perte de poids en cas de surpoids, ou un maintien du poids corporel.

La goutte est une maladie chronique, qui nécessite un suivi médical régulier, en particulier des éventuelles complications et des risques associés de maladies cardiovasculaires. Les maladies associées et les facteurs de risque cardiovasculaire doivent être pris en charge de manière adaptée.

Estelle B., Docteur en Pharmacie

– La goutte. Ligue Suisse contre le Rhumatisme.
– La goutte : un rhumatisme inflammatoire !! AFLAR. 10 avril 2015.
– Goutte. AMELI Santé. 20 septembre 2018.

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