Mortalité infantile en France : pourquoi cette hausse ?

Par |Publié le : 18 septembre 2025|Dernière mise à jour : 17 septembre 2025|6 min de lecture|

Le taux de mortalité infantile, autrement dit le rapport entre le nombre d’enfants décédés dans leur première année et l’ensemble des enfants nés vivants de cette même année, ne fait qu’augmenter depuis 2020. Il est de 4,1 pour 1000 naissances en 2024. Quelles sont les situations les plus à risque et comment expliquer cette hausse ?

Des chiffres inquiétants

Selon l’INSEE, en 2024, 2 700 enfants de moins d’un an sont décédés en France, soit 4,1 décès pour 1 000 enfants nés vivants.

Depuis 2015, le taux de mortalité infantile en France est supérieur à la moyenne de l’Union européenne. En 2024, la moyenne européenne s’élevait à 3,3 décès pour 1000 enfants nés vivants. En Europe, en 2024, le taux de mortalité infantile le plus élevé est retrouvé en Roumanie avec 6.4 ‰ suivie par la France avec 4,1 ‰.

Entre 2011 et 2024, le taux de mortalité infantile a légèrement augmenté, passant de 3,5 ‰ à 4,1 ‰.

Cette hausse inquiétante s’explique en grande partie par celle de la mortalité de 1 à 27 jours de vie, qui est passée de 1,5 ‰ en 2011 à 2,0 ‰ en 2024.

Les situations les plus à risque pour le nouveau-né

Plusieurs facteurs de risques ont été identifiés : le fait que le nouveau-né soit un garçon, les accouchements multiples, la résidence ou le lieu de naissance de la mère ainsi que son âge et sa situation socioprofessionnelle.

Les garçons ont un surrisque de 20% par rapport aux filles de décéder avant l’âge d’un an. La surmortalité masculine est plus faible le jour de la naissance (+12 % par rapport aux filles) mais plus élevée de 1 à 27 jours (+31 %). Plusieurs explications viennent éclairer ces chiffres : le système immunitaire des petits garçons est moins robuste et ils sont, dans la plupart des situations, davantage touchés par les maladies génétiques.

 Les enfants issus d’un accouchement multiple, comme des jumeaux ou triplés, ont plus de risque que les autres enfants de décéder dans leur première année.

La mortalité des jumeaux ou triplés est plus marquée les premiers jours de vie, elle est cinq fois plus élevée le jour de la naissance, six fois plus élevée de 1 à 27 jours, et « seulement » trois fois plus de 28 jours à un an. Ils sont en effet 10 fois plus concernés par la prématurité qui est un facteur de risque supplémentaire.

Concernant le profil de la mère, notons que celles résidant dans les DOM ou celles nées en Afrique (hors Maghreb), ont deux fois plus de risque de perdre leur bébé que les autres mères. Plusieurs raisons expliquent ces données : précarité, problèmes de santé et suivi de grossesse inadéquat.

L’âge de la maman à l’accouchement joue aussi un rôle : celles les plus à risque sont les mères très jeunes ou très âgées, les employées, les ouvrières et les inactives.

Notons d’ailleurs que le taux de mortalité infantile est plus faible pour les mères âgées de 26 ans à 37 ans. Sur la période 2004-2022, en moyenne, le taux de mortalité infantile est inférieur à 4 ‰ pour les mères âgées de 26 à 37 ans, et inférieur à 5 ‰ pour celles âgées de 22 à 43 ans. Il est supérieur à 5 ‰ pour les mères très jeunes (21 ans ou moins) ou très âgées (44 ans ou plus).

Le maximum est atteint à 16 ans, avec un taux de 11,7 ‰, puis à 47 ans, avec un taux de 11,3 ‰, soit trois fois plus que la moyenne.

Chez les plus jeunes, un moins bon suivi des grossesses peut contribuer à augmenter ce risque.

Les mères plus âgées sont quant à elles confrontées à des pathologies préexistantes ou des complications au cours de la grossesse, ainsi qu’à des grossesses multiples ou des anomalies congénitales

De 2004 à 2022, parmi les mères actives, le taux de mortalité infantile varie en moyenne de 2,2 ‰ pour les cadres, à 3,5 ‰ pour les ouvrières et 3,6 ‰ pour les employées et 5,1 ‰ pour les inactives.

Plusieurs causes sont à pointer du doigt dans cette hausse de la mortalité infantile en France dont la dégradation du système de santé, le manque de prévention et les inégalités territoriales.

Identifier précisément les multiples causes

La fermeture des petites maternités a allongé les distances d’accès aux soins, aggravant les risques pour les mères et les nouveau-nés. D’un autre côté, la surcharge des grandes structures comme les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) épuise le personnel soignant et fragilise la qualité de la prise en charge.

À savoir !Le nombre de femmes vivant à plus de 45 minutes d’une maternité a augmenté de 40% depuis 2020. En cinquante ans, 75 % des maternités ont disparu, passant de 1 369 maternités publiques en 1975 à 457 en 2024.

Or dégradation des soins, les raisons mises en évidence par les différentes études et enquêtes sont multiples et variées : hausse de l’âge des mères, augmentation des grossesses multiples, grande prématurité, précarité, surpoids, tabagisme et le manque de prévention.

Cependant, comme le souligne, vice-présidente de la Société française de néonatalogie (SFN) au micro de RFI : « Dans les pays à hauts revenus, la première cause de mortalité néonatale, c’est la prématurité et ses complications, la deuxième, ce sont les malformations congénitales, et en troisième position, les complications de l’accouchement. Tous ces bébés vont être hospitalisés dans des services ultraspécialisés : les soins critiques néonatals. » Selon cette spécialiste, les mauvais chiffres français sont dus à « un essoufflement des soins critiques de néonatals, dont l’organisation repose sur des décrets qui remontent à 1998, alors que le profil des bébés hospitalisés a énormément évolué en 25 ans ».

Une analyse accréditée par les données de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) qui montrent que la hausse de la mortalité se concentre sur les 27 premiers jours de vie, tandis que la mortalité le jour de la naissance et au-delà du premier mois à un an reste à peu près stable.

Plusieurs solutions permettraient de faire reculer cette mortalité infantile dont une meilleure organisation des soins critiques néonatals en France avec davantage de lit de réanimation et de personnels soignants. « Selon les standards internationaux pour les nouveau-nés avec des pathologies lourdes, il faut une infirmière pour un patient » précise Elsa Kermorvant

La SFN appelle à une restructuration « urgente » et « profonde » de l’organisation des soins critiques néonatals.

En juillet 2025, dans son plan d’adaptation globale, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles projette de réduire la mortalité infantile en mettant en place un registre des causes de décès. Une base de données nécessaire pour analyser précisément les causes des décès néonataux et d’adapter les politiques publiques en conséquence.

Sources
– Un enfant sur 250 meurt avant l’âge d’un an en France. INSEE.. www.insee.fr. Consulté le 01 septembre 2025.
– Naissance : soutenir la parentalité pour relancer la natalité. info.gouv.fr. www.info.gouv.fr. Consulté le .

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Julie P.
Journaliste scientifique
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