Bien qu’il concerne près d’une grossesse sur 500, le déni de grossesse reste encore aujourd’hui une pathologie souvent taboue. Il se définit comme le fait d’être enceinte depuis au moins trois mois, sans avoir conscience de l’être. Certaines femmes s’aperçoivent de leur grossesse au cours des deuxièmes ou troisièmes trimestres, tandis que d’autres ne se rendent compte de rien jusqu’à l’accouchement. Une meilleure information du grand public et une formation adaptée des professionnels de santé sont nécessaires pour accompagner les femmes présentant un déni de grossesse et en minimiser les conséquences pour la mère et l’enfant.
Définition et manifestations du déni de grossesse
Une grossesse invisible
Le déni de grossesse est l’une des formes de négation de la grossesse, avec les grossesses dissimulées (grossesses cachées) ou la dénégation de grossesse (grossesses refusées). Il correspond au fait d’être enceinte depuis au moins trois mois sans avoir conscience de l’être. Certaines femmes témoignent cependant de certains moments de conscience au cours du déni de grossesse. Dans tous les cas, le déni de grossesse n’a souvent rien à voir avec l’envie ou non d’avoir un enfant.
À savoir ! Le déni de grossesse est catégorisé comme un trouble de la gestation psychique. En réalité, il correspond à un mécanisme de défense inconscient du cerveau à l’encontre d’un traumatisme ou d’une angoisse.
Il en existe plusieurs formes :
- Le déni de grossesse partiel, si la femme découvre sa grossesse avant le terme ;
- Le déni de grossesse total, s’il perdure tout au long de la grossesse et se termine par un accouchement inopiné. Il peut même se poursuivre au-delà de l’accouchement, pendant une période variable selon les femmes.
À savoir ! Le déni de grossesse ne doit pas être confondu avec une grossesse cachée, situation dans laquelle la femme choisit délibérément de dissimuler son état à son entourage, tout en ayant bien conscience d’être enceinte.
Le déni de grossesse n’est pas rare en France, puisque, selon les études épidémiologiques, il pourrait concerner jusqu’à environ 1 grossesse sur 500. Chaque année, environ 80 femmes accouchent inopinément d’un enfant, suite à un déni de grossesse total. Le déni de grossesse peut concerner des femmes qui auparavant ont vécu une ou plusieurs grossesses strictement normales. Plusieurs facteurs peuvent nuire à la perception de la grossesse, tels que :
- L’absence d’aménorrhée (arrêt des règles) ;
- La prise d’une contraception ;
- Une faible augmentation du périmètre abdominal ;
- Une prise de poids absente ou faible.
À savoir ! Les adolescentes constituent une population de femmes à risque de présenter un déni de grossesse, partiel ou total.
Déni de grossesse, symptômes
Dans le déni de grossesse, l’absence de conscience d’être enceinte s’accompagne d’un certain nombre de signes cliniques, qui contribuent à induire en erreur la femme enceinte et son entourage, mais aussi les professionnels de santé.
La persistance des règles est très fréquente. Or, l’aménorrhée représente pour la majorité des femmes le premier signe indicateur d’une éventuelle grossesse. La survenue d’une aménorrhée au cours de la grossesse est d’ailleurs souvent synonyme d’une prise de conscience dans la plupart des dénis de grossesse partiels.
L’une des caractéristiques étonnantes du déni de grossesse est l’absence d’augmentation du périmètre abdominal, ou une augmentation très modérée. Parfois seule un petit bombement abdominal est perceptible et peut donc facilement passer inaperçu. Au cours des 9 mois de grossesse pour un déni total ou jusqu’à la découverte de la grossesse pour un déni partiel, l’utérus s’allonge le long de la colonne vertébrale et le fœtus se place derrière les côtes rendant alors la grossesse totalement ou quasi imperceptible physiquement.
De plus, on remarque généralement aucune variation du poids. Il reste stable voire parfois une perte de poids est notée.
L’un des autres signes caractéristiques du déni de grossesse est la non-perception ou la non identification des mouvements fœtaux. Parfois, les mouvements fœtaux peuvent être confondus avec des troubles digestifs.
Enfin, on assiste à une atténuation des symptômes habituels de la grossesse, comme les tensions dans les seins, les nausées, la respiration courte, les fréquentes envies d’uriner ou les problèmes de dos.
Les conséquences d’un déni de grossesse
Ne pas avoir conscience d’être enceinte n’est pas sans conséquences, à la fois pour la femme et pour le fœtus.
Le déni de grossesse expose le fœtus à des complications de diverses natures dont une augmentation du risque de prématurité, un plus faible poids de naissance (souvent inférieur à 2 kg 500), un retard de croissance intra-utérin, un risque majoré d’hospitalisation en néonatalogie, une augmentation du risque de mortalité fœtale, liée des fausses couches ou des décès in utero, ou un recours plus important aux interruptions thérapeutiques de grossesse, en lien avec l’existence d’anomalies congénitales.
L’accouchement inopiné suite à un déni total représente un véritable traumatisme psychologique et physique, à la fois :
- Pour la mère, qui accouche seule, sans assistance médicale, avec un risque de complication potentiellement grave (par exemple une hémorragie du post-partum) voire un risque de suicide;
- Pour l’enfant, dont la naissance peut être très compliquée et aboutir à son décès dans plusieurs types de circonstances (complication de l’accouchement, défaut de soins à la naissance ou néonaticide).
Diagnostic et prise en charge d’un déni de grossesse
Détecter un déni de grossesse
La question se pose de savoir comment détecter un déni de grossesse lorsque tous les signes typiques d’une grossesse sont absents.
Une réponse simple et rapide consiste à réaliser un test de grossesse. En effet, ce dernier sera toujours positif en cas de grossesse, même dans le cadre d’un déni de grossesse. L’examen gynécologique et l’échographie permettent également de lever un déni de grossesse.
Idéalement, il faudrait réaliser une échographie abdominale dès qu’une patiente se plaint de douleurs abdominales. En effet, le collège national des gynécologues obstétriciens français indique qu’il existe des symptômes « mal identifiés » dans près de 40% des cas de déni.
Suite à la levée d’un déni partiel de grossesse, le corps de la future mère se métamorphose au fil des heures suivant l’annonce. La verbalisation de la grossesse est indispensable à la prise de conscience et aux modifications corporelles.
En revanche, en cas de déni total, ceux sont les fortes douleurs abdominales générées par le travail qui poussent la patiente à consulter en urgence. Dans ce cas, la levée du déni correspond à l’accouchement.
Une prise en charge mère enfant adaptée
Lorsque la femme découvre sa grossesse au cours des neuf mois, les conséquences pour le fœtus sont le plus souvent beaucoup moins graves. En revanche, les conséquences psychologiques pour la femme enceinte peuvent être importantes (confusion, incrédulité, refus, agressivité, sidération…). Certaines acceptent rapidement la situation, d’autres refusent de voir la réalité. Des cas d’abandons d’enfants sont ainsi signalés, après un déni partiel ou total, lorsque la femme n’a pas réussi à admettre l’idée de sa grossesse. De même, les relations entre la mère et l’enfant peuvent être profondément altérées, et ce pendant de longues années.
Face à la potentielle gravité du déni de grossesse, une prise en charge médicale et psychologique des femmes concernées est nécessaire pour l’avenir de la femme et de son enfant. Une meilleure information du grand public et une formation adaptée des professionnels de santé sont deux aspects essentiels de la prévention et de la prise en charge. Tous les professionnels de santé sont concernés par ce problème de santé, qui peut avoir de graves conséquences sur la mère, sur l’enfant et sur l’adulte qu’il deviendra.
A noter ! Il existe une association, qui, en France, se mobilise pour une meilleure reconnaissance du déni de grossesse et de ses conséquences, l’Association Française pour la Reconnaissance du Déni de Grossesse (AFRDG).
Estelle B., Docteur en Pharmacie, Mis à jour par Charline D., Docteur en pharmacie le 4 août 2023
– ore indicators of the health and care of pregnant women and babies in Europe in 2015. www.xn--epop-inserm-ebb.fr. Consulté le 4 août 2023