Tocophobie


Rédigé par Charline D. et publié le 20 décembre 2019

tocophobie
La tocophobie désigne la peur panique, autrement dit la phobie, de l’accouchement et plus généralement de la grossesse. Pour certaines femmes, elle peut aussi s’accompagner d’une aversion ou d’un dégoût de la grossesse. La tocophobie est une affection psychologique assez fréquente. On estime qu’entre 2,5 et 30% des femmes enceintes sont concernées. La phobie de l’accouchement peut avoir différentes origines. Elle peut se manifester suite à un traumatisme de l’enfance, notamment en cas d’abus ou de sévices sexuels, ou suite à une mauvaise expérience d’accouchement (soit personnelle, soit dans l’entourage). Une prise en charge psychologique s’impose afin de limiter le risque de complications (accouchement difficile, avortement ou césarienne de convenance).

Définition

Qu’est-ce qu’une phobie ?

D’ordinaire, la peur est une émotion utile qui permet de nous protéger en nous poussant à agir ou à fuir face à un danger. Chaque individu a des peurs comme par exemple préférer l’escalier à l’ascenseur, être anxieux avant de prendre l’avion, etc. Dans la majorité des cas, chacun vit avec ses peurs et s’en accommode.

En revanche, lorsque la peur qui paralyse un individu en l’absence de réel danger prend des proportions démesurées ou impacte de manière importante sa vie (monopolise les pensées, influence les choix, etc.), alors elle devient pathologique. On parle de phobie.

Une phobie est un trouble anxieux. Ainsi, la personne souffrant de phobie a totalement conscience que sa peur est irrationnelle et excessive, sans cependant, pouvoir résister au besoin d’évitement de l’objet de sa phobie. Une phobie est considérée comme grave et nécessitant une prise en charge lorsque cette dernière oblige l’individu en souffrant à restreindre ses activités et impacte sa qualité de vie de façon importante.

En cas d’impact trop important sur la qualité de vie des patients, les phobies nécessitent une prise en charge adaptée. Les thérapies cognitivo-comportementales associées à certaines techniques de relaxation ont déjà fait leurs preuves dans ce domaine. Parfois, un traitement médicamenteux peut être associé à la psychothérapie du patient.

Qu’est-ce que la tocophobie ?

La tocophobie est un trouble anxieux. Bien qu’assez méconnu, il est pourtant fréquent dans la population. Il n’existe pas de données précises sur le sujet, les diverses études suggèrent qu’entre 2,5 et 22% des femmes enceintes en souffriraient.

La phobie d’accoucher est admise depuis 1997. Elle a été reconnue par la Classification internationale des maladies de l’Organisation mondiale de la santé (ou l’OMS). Le terme « tocophobie » est apparu un peu plus tard, en 2000, il a été inventé par un psychiatre britannique qui compte plusieurs publications sur le sujet. Tocophobie vient du mot grec « tokos » qui signifie naissance et « phobos » qui veut dire peur. A noter qu’un psychiatre français, Louis Victor Marcé, dès 1850, avait déjà fait mention dans son « Traité de la folie des femmes enceintes », de l’anxiété extrême que certaines d’entre elles peuvent ressentir à l’égard de l’accouchement.

La tocophobie se traduit par une peur irrationnelle de l’accouchement, et plus généralement de la grossesse. Cette peur peut conduire certaines femmes à demander une césarienne de convenance, ou parfois avoir recours à l’avortement. C’est ces techniques d’évitement qui caractérisent l’affection et qui permettent de la différencier clairement d’une simple peur de l’accouchement.

Les psychiatres différencient 3 types de tocophobie :

  • La tocophobie primaire, souvent pour le premier accouchement chez les femmes n’ayant jamais accouchées et en lien avec un traumatisme psychique (abus sexuels, accouchements difficiles dans l’entourage) ;
  • La tocophobie secondaire qui survient après un premier accouchement difficile ;
  • La tocophobie liée à une dépression prénatale.

A noter qu’il n’y a pas seulement les femmes qui peuvent être concernées par la tocophobie. Certaines études rapportent le cas de plusieurs hommes touchés par la tocophobie. Jusqu’à 11% des futurs pères seraient concernés.

Symptômes, traitements et méthodes de relaxation

Les symptômes de la tocophobie sont liés à l’état anxieux de la patiente vis-à-vis de sa grossesse :

  • Peur anticipatoire de certains maux comme un manque de sommeil, des troubles alimentaires, une dépression ou des complications médicales en lien avec la grossesse ;
  • Une forte angoisse à propos de l’accouchement (peur de la douleur, des complications voire du décès) ;
  • La peur des institutions de santé et des professionnels de santé ;
  • Des maux de ventre, des vomissements.

Quelques fois, lorsque la peur d’enfanter est trop intense, certaines femmes peuvent recourir à une interruption volontaire de grossesse (IVG) ou provoquer volontairement une fausse couche (par la pratique de certaines activités trop intenses, par exemple), demander une césarienne voire procéder à une stérilisation.

Il est impératif pour toute femme souffrant de tocophobie d’être prise en charge aussitôt le diagnostic évoqué afin de ne pas aggraver la phobie. Sans prise en charge, cette phobie peut aboutir à un allongement du temps de travail nécessitant un recours aux forceps ou ventouses obstétricales. Par ailleurs, le souvenir d’un accouchement difficile peut impacter négativement la relation mère-enfant, ou mettre un terme à l’envie d’une seconde grossesse.

A noter que la tocophobie peut aussi se manifester chez une femme qui n’est pas enceinte. Celle-ci fera alors tout pour ne pas tomber enceinte, même si elle désire un enfant.

En cas de tocophobie, plusieurs approches thérapeutiques existent. Elles reposent toutes, uniquement, sur une prise en charge psychologique.

Le recours à un psychologue pour parler d’une mauvaise expérience lors d’un accouchement antérieur est conseillé pour les femmes souffrant de tocophobie secondaire.

Il est possible de visiter le service d’obstétrique et rencontrer les sages-femmes et les médecins afin d’être rassuré sur le déroulement de l’accouchement. Il est également proposé à toute femme enceinte de participer à des cours de préparation à l’accouchement prodiguée par une sage-femme. Les séances permettent de préparer la future maman, aussi bien physiquement que psychologiquement, à l’accouchement. C’est également l’occasion de s’informer sur le déroulement de la grossesse afin de mieux gérer les angoisses liées à l’idée d’accoucher.

Il existe également des groupes de parole sur le sujet, afin de prendre conscience que la tocophobie existe chez d’autres patientes.

Enfin, il est possible d’avoir recours à des séances d’hypnose thérapeutique. Cette méthode, basée sur une relaxation profonde, permet de prendre conscience de ses angoisses et apprendre à les surmonter. L’objectif est que la patiente puisse sentir les prémices de ses angoisses afin de pouvoir les stopper grâce à diverses méthodes de relaxation. On parle alors d’autohypnose. Dans le même principe, il existe aussi des séances de sophrologie prénatale qui permettent de travailler sur le souffle et le lâcher-prise via divers exercices corporels. Le père peut lui aussi prendre part aux séances afin d’aider la future maman à se relaxer.

Charline D., Docteur en pharmacie

– Tocophobie : ces femmes qui vivent avec une peur extrême de la grossesse et de l’accouchement. The Conversation. C. Jones ; F.Wadephul et J.Jomeen. Consulté le 11 avril 2019.
– Prise en charge de la tocophobie par thérapie cognitivo-comportementale : à propos d’un cas clinique. Science Direct. P. Petit. Consulté le 11 avril 2019.
– Tocophobie, la peur extrême de la grossesse et de l’accouchement. Ouest France. Consulté le 11 avril 2019.
– Quand la peur d’accoucher devient phobie. La presse +. Consulté le 11 avril 2019.