Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin touchent 20 millions de personnes dans le monde. Pour mieux comprendre l’origine de ces maladies, les chercheurs s’intéressent à l’action possible de certains additifs alimentaires. Récemment, des chercheurs français ont mis en évidence qu’un Additif alimentaire (émulsifiant couramment utilisé), la carboxyméthylcellulose, pourrait modifier le microbiote intestinal. Explications.
Additif alimentaire et santé intestinale
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, comme la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique, restent encore énigmatiques du point de vue de leur origine. Si une prédisposition génétique a été identifiée, elle n’explique pas en totalité la survenue de ces pathologies, qui frappent des millions de personnes dans le monde. Les chercheurs se tournent donc depuis plusieurs années vers certains facteurs environnementaux, parmi lesquels les additifs alimentaires, qui se multiplient dans les assiettes des Français.
En France, une équipe de recherche s’intéresse en particulier à l’effet sur la santé intestinale des émulsifiants alimentaires, dont la carboxyméthylcellulose (souvent notée CMC). Cet additif, disponible depuis les années 1960, que l’on retrouve sur la liste des ingrédients noté E466, est utilisé en industrie agroalimentaire comme un épaississant, un gélifiant, un stabilisant ou un agent d’enrobage. Consommé en grandes quantités, il peut provoquer des troubles digestifs, comme des diarrhées ou une constipation.
Carboxyméthylcellulose : une altération de la composition du microbiote intestinal
Dès 2015, une étude menée sur la souris suggérait des effets néfastes de cet additif alimentaire sur le microbiote intestinal et l’inflammation chronique du côlon. Dans cette étude, les doses absorbées par les souris étaient largement supérieures à celles observées chez l’homme et les résultats n’avaient pas été transposés chez l’homme. Depuis, il a été confirmé par les scientifiques que la carboxyméthylcellulose altère chez la souris la composition du microbiote intestinal, entraînant une aggravation de plusieurs maladies inflammatoires chroniques, comme :
- La colite ;
- Le syndrome métabolique ;
- Le cancer du côlon.
Alors que cet additif est de plus en plus utilisé dans de nombreuses préparations alimentaires, les chercheurs ont récemment étudié l’impact de la carboxyméthylcellulose sur la santé intestinale chez l’homme. Leur étude clinique d’une durée de deux semaines a porté sur un petit groupe de volontaires sains, divisés en deux sous-groupes :
- Un groupe consommait des aliments strictement sans additifs ;
- Un groupe consommait les mêmes aliments et étaient supplémentés en carboxyméthylcellulose.
Un lien possible avec les maladies chroniques inflammatoires de l’intestin chez l’homme
Au terme de ces régimes alimentaires, les chercheurs ont observé une modification de la composition bactérienne du microbiote intestinal au sein du groupe ayant consommé de la carboxyméthylcellulose. Certaines espèces de bactéries, connues pour leur effet bénéfique sur la santé intestinale, étaient nettement réduites. De même, l’analyse de la composition fécale des participants révélait une réduction des substances bénéfiques pour la santé intestinale chez les individus exposés au CMC.
Par ailleurs, le groupe ayant consommé l’additif alimentaire se plaignait de douleurs abdominales et de ballonnements intestinaux. Les coloscopies effectuées montraient un changement dans la répartition du microbiote le long du tractus intestinal, avec une concentration des bactéries au niveau des parois intestinales chez les individus ayant consommé de la CMC. Cette caractéristique est observée chez les personnes souffrant de pathologies chroniques de l’intestin ou de diabète de type 2. De tels résultats semblent confirmer les données observées chez l’animal, avec une altération de la composition du microbiote intestinal. Des études à plus grande échelle et à plus long terme sont nécessaires pour évaluer le rôle de cet additif alimentaire dans le développement et l’aggravation des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, pour éventuellement envisager de modifier la réglementation concernant cet additif.
Estelle B., Docteur en Pharmacie