Malgré son silence, elle tourne… Notre horloge biologique interne, soumise à un cycle de 24 heures et synchronisée grâce à la lumière, régule la plupart de nos fonctions et comportements. Sa dérégulation entraîne des troubles du sommeil, mais aussi, de nombreuses autres pathologies. Focus sur une innovation permettant de mieux déterminer l’heure à laquelle sont réglées nos cellules.
Une méthode trop fastidieuse
Cette horloge biologique agit comme un chef d’orchestre sur notre organisme en régulant ses fonctions primordiales comme la faim, la température du corps, le sommeil, la sécrétion hormonale ou encore l’efficacité du système immunitaire.
À savoir ! L’horloge biologique est une structure localisée au cœur du cerveau, au-dessus des nerfs optiques. Elle contient 20 000 neurones qui ont une activité rythmique sur 24 heures et qui dirigent le fonctionnement de notre organisme.
De nombreuses études cliniques ont montré comment son déphasage, chez les travailleurs de nuit ou les voyageurs soumis fréquemment à des décalages horaires, peut augmenter le risque de souffrir de maladies cardiaques (infarctus, AVC), de diabète, des troubles intestinaux ou de la maladie d’Alzheimer.
À savoir ! Une équipe Inserm a montré une augmentation de 30 % du risque de cancer chez les femmes travaillant régulièrement de nuit. Le travail de nuit est actuellement classé comme « probablement cancérigène » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
Jusqu’ici les chercheurs prélevaient du sang, toutes les heures, pour déterminer l’activité génétique des cellules et en déduire l’heure à laquelle l’organisme était réglé. Cela permettait de savoir si un individu était synchronisé, ou pas, avec l’heure réelle.
En constatant le caractère très fastidieux de ces analyses, une équipe de l’université Northwestern (États-Unis) a décidé de mettre en place un protocole moins laborieux pour déterminer l’heure biologique d’un individu.
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Mesurer plus efficacement l’horloge biologique interne
Pour commencer, les chercheurs, dirigés par Ravi Allada du département de neurobiologie de l’université Northwestern d’Evanston dans l’Illinois, ont collecté une grande quantité de données génétiques venant d’un millier de prises de sang réalisées toutes les deux heures sur 73 individus.
En intégrant informatiquement ces données portant sur l’expression de 7768 gènes d’un type de cellules sanguines, les chercheurs ont dégagé un modèle précis de l’activité génétique des cellules au fil de la journée.
« L’algorithme a trouvé qu’une quarantaine de marqueurs génétiques pouvaient prédire avec une grande précision l’heure de la journée » explique à l’AFP l’auteure principale de l’étude, Rosemary Braun.
Finalement, l’algorithme mis au point permet de déterminer l’horloge biologique d’un individu avec seulement deux prises de sang sur un cycle de 24 heures avec une précision de plus ou moins 90 minutes.
Le test, appelé TimeSignature, est disponible aujourd’hui pour intégrer des protocoles de recherche clinique.
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Ce qu’il reste à découvrir sur notre horloge biologique interne
Les méthodes permettant d’évaluer avec précision l’état de l’horloge interne d’un organisme sont plus que nécessaires, car il reste encore une multitude de questions sans réponses.
Il est encore nécessaire de :
- Comprendre l’influence d’un rythme circadien synchronisé ou désynchronisé sur les fonctions biologiques comme la régulation de la pression artérielle et la température, le sommeil, la régulation de l’humeur, la mémoire, la digestion, la fertilité ;
- Comprendre comment le travail en horaires décalés favorise la survenue de certaines pathologies (effet dose/réponse, délais avant de voir les premiers symptômes) ;
- Mieux diagnostiquer les perturbations du rythme biologique ;
- Trouver de nouvelles chronothérapies, c’est-à-dire identifier des médicaments existants qui ont une meilleure efficacité lorsqu’ils sont pris à un moment précis de la journée ;
- Comprendre comment certaines pathologies psychologiques (dépression, anxiété) ou certaines maladies psychiatriques influencent notre horloge biologique interne ;
- Déterminer dans quelles mesures la mise en place de la chrononutrition (privilégier la consommation de certains types d’aliments en fonction du moment de la journée) peut se révéler efficace pour garder un poids de forme ou perdre du poids lorsqu’on est en surpoids ou obèse.
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Julie P., Journaliste scientifique
– Horloge biologique : enfin un test simple pour savoir si elle est déréglée. Futura sciences et AFP-Relaxnews. Consulté le 25 septembre 2018.
– Universal method for robust detection of circadian state from gene expression. PNAS. R. Braun et al. Consulté le 25 septembre 2018.
– Chronobiologie-les 24 heures chrono de l’organisme. Dossier d’information. INSERM. Consulté le 25 septembre 2018.