Essoufflement, fatigue, toux chronique : quand consulter ?
Ces symptômes, fréquents mais souvent négligés, peuvent révéler une maladie respiratoire. Le Dr Frédéric Le Guillou, pneumologue et président de Santé respiratoire France, rappelle les bons réflexes à adopter.

Essoufflement à l’effort, toux qui s’installe, fatigue qui s’éternise… Ces symptômes sont fréquents, mais leur persistance doit alerter. « Ce sont des signaux d’alerte qu’il ne faut jamais banaliser, surtout s’ils durent plusieurs semaines », souligne le Dr Frédéric Le Guillou. Avant de parler de maladie respiratoire, le médecin généraliste commence par examiner le mode de vie du patient, ses expositions, ses allergies et ses traitements, afin d’identifier la cause possible et d’écarter les urgences.
Toux chronique : comprendre avant de traiter
La toux est le troisième motif de consultation médicale. On parle de toux chronique lorsqu’elle dure plus de deux mois. « Les deux principales causes ne sont pas respiratoires : il s’agit du reflux gastro-œsophagien et de la rhinorrhée postérieure, c’est-à-dire l’écoulement nasal vers l’arrière de la gorge », explique le pneumologue.
Certaines toux surviennent après une infection virale : grippe, Covid-19, VRS ou simple rhume. « Ce sont les toux post-infectieuses. Elles peuvent durer deux à trois mois, le temps de cicatrisation de la muqueuse respiratoire. Aucun antibiotique n’y changera quoi que ce soit ; la seule chose qui calme un peu, c’est le menthol. »
Ces toux, souvent quinteuses et nocturnes, peuvent perturber le sommeil et la vie quotidienne. « On voit beaucoup de patients revenir plusieurs fois chez leur médecin, pensant qu’un autre antibiotique les soulagera. En réalité, c’est simplement l’évolution naturelle : il faut laisser le temps au corps de cicatriser. »
Certains médicaments, notamment les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les sartans prescrits contre l’hypertension, peuvent aussi déclencher ou entretenir une toux. « Ce n’est pas toujours immédiat : elle peut apparaître plusieurs mois après le début du traitement. Dans ce cas, il faut envisager d’adapter la prescription. »
Quand faut-il consulter sans tarder ?
Tousser depuis plusieurs semaines ne relève pas forcément de l’urgence, mais certains signes associés doivent alerter : fièvre, crachats verdâtres ou sanglants, douleur thoracique brutale, oppression ou essoufflement marqué. « Dans ces situations, il faut consulter rapidement son médecin généraliste, qui pourra demander une radiographie thoracique ou une spirométrie », précise le Dr Le Guillou.
La spirométrie, aujourd’hui accessible en médecine de ville ou dans certaines maisons de santé, mesure le souffle et permet de dépister une obstruction bronchique, souvent révélatrice d’un asthme ou d’une BPCO. « C’est une porte d’entrée vers le diagnostic », souligne-t-il. « Elle peut être réalisée par un médecin généraliste ou une infirmière de pratique avancée, ce qui facilite beaucoup le repérage précoce. »
L’air intérieur, un ennemi sous-estimé
Tabac, moisissures, produits ménagers, chauffage mal entretenu… de nombreux facteurs irritent les voies respiratoires. « L’air intérieur est souvent cinq à six fois plus pollué que l’air extérieur », rappelle le pneumologue.
Quelques gestes simples peuvent limiter les risques : aérer dix minutes deux fois par jour, ne pas obstruer les bouches de ventilation, entretenir régulièrement son chauffage et maintenir l’humidité entre 40 % et 60 %.
« On devrait aussi penser à décoller les meubles des murs, aspirer sous le lit, vérifier qu’il n’y a pas de traces de moisissures ou d’infiltrations, notamment dans les pièces d’eau », conseille-t-il.
Le linge séché à l’intérieur, les vapeurs de cuisine ou les fissures du bâti augmentent l’humidité et favorisent les irritations. « Ce sont des détails du quotidien, mais en consultation, je constate que ce “bon sens” n’est pas toujours appliqué. »
Quant au tabagisme, le message reste sans ambiguïté : « Quand on fume et qu’on tousse, ce n’est jamais normal : cela signifie qu’il y a déjà une atteinte bronchique. »
Des maladies respiratoires en pleine expansion
Selon le Dr Le Guillou, les maladies respiratoires – asthme, BPCO, allergies – progressent rapidement. « Environ 30 % de la population française est aujourd’hui allergique. » En cause : la qualité de l’air et le réchauffement climatique. « Les plantes migrent vers le nord et certaines pollinisent désormais plusieurs fois par an. Leurs pollens sont devenus plus allergisants à cause des particules diesel. »
Ces phénomènes s’accompagnent d’une recrudescence des virus respiratoires : rhinovirus, adénovirus, métapneumovirus, VRS, grippe, Covid-19… « Les grandes pandémies ont souvent été respiratoires. La tuberculose cause encore un million de morts par an dans le monde, et il est probable que la prochaine grande pandémie soit à nouveau d’origine respiratoire. »
Mieux vaut consulter une fois de trop
Face à une toux, une fatigue ou un essoufflement qui durent, le bon réflexe est de consulter. Le médecin éliminera les causes digestives ou ORL, vérifiera les effets d’un traitement, puis orientera vers un pneumologue si nécessaire.
« Mieux vaut consulter une fois de trop qu’une fois trop tard », conclut le Dr Le Guillou. Une démarche simple qui permet de poser un diagnostic, d’ajuster un traitement ou de repérer une maladie chronique débutante. En parallèle, adopter de bons réflexes – aérer, entretenir son logement, éviter les expositions polluantes et arrêter le tabac – reste la meilleure façon de préserver durablement son souffle.
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