Récemment, à l’occasion de la conférence AIDS 2024, des chercheurs ont présenté deux études révélant que les nourrissons nés de mères séropositives sans avoir eux-mêmes été infectés, pouvaient avoir une santé plus fragile que les autres. Leur virome intestinal serait en effet altéré et leur réponse immunitaire réduite. On fait le point.
Nourrissons exposés aux VIH et non infectés : une santé affectée ?
Si l’on peut se réjouir de la baisse importante du nombre d’enfants nouvellement infectés par le VIH ces dernières années (-62% entre 2010 et 2023), il semblerait que les enfants exposés au VIH et non infectés présentent néanmoins un état de santé altéré.
C’est ce que suggèrent deux études scientifiques présentées à l’occasion de la conférence AIDS 2024 qui s’est tenue à Munich en juillet dernier. Les enfants exposés au VIH et non infectés souffriraient en effet d’une morbidité et d’une mortalité accrues par rapport aux enfants non infectés et non exposés au VIH.
Un virome intestinal modifié
Si les traitements antirétroviraux ont permis d’améliorer la santé des mères séropositives et de garantir un allaitement plus sûr, le virus reste cependant responsable d’une modification de la composition du lait maternel.
Forts de ce constat, des scientifiques californiens se sont penchés sur l’impact du virome présent dans le lait maternel sur le virome intestinal de nourrissons âgés d’une semaine, exposés au VIH et non infectés.
À savoir ! Le virome intestinal désigne l’ensemble de tous les virus présents dans l’intestin.
Pour mener à bien leurs travaux, les chercheurs ont comparé deux groupes de femmes :
- Un groupe de 40 femmes séropositives et leurs nouveau-nés non infectés.
- Et un groupe de 40 femmes séronégatives et leurs nouveau-nés.
Ils ont ainsi constaté une modification du virome intestinal des enfants exposés au VIH et non infectés. Le nombre de virus infectant les bifidobactéries (bactéries de la flore intestinale) dans la première semaine de vie a en effet été multiplié par 11 avec pour conséquence une réduction d’un facteur 24 de la population de ces bactéries. Et cette réduction s’avère dommageable en ce sens que l’abondance en bifidobactéries dans la première semaine de vie est positivement reliée à une meilleure réponse au vaccin BCG contre la tuberculose.
À savoir ! Les virus qui infectent les bactéries sont appelés « bactériophages » et sont très nombreux au sein du microbiote. Ils font partie du « virome » et peuvent modifier les populations bactériennes, leur patrimoine génétique et l’expression du microbiote.
Une réponse immunitaire réduite
Par ailleurs, il semblerait que l’immunité des enfants exposés au VIH et non infectés soit également réduite. Si des études antérieures ont déjà démontré leur mauvaise réponse aux vaccinations pédiatriques, une nouvelle étude nigérienne s’est intéressée aux effets de la vaccination antitétanique chez ces enfants.
C’est ainsi que 61 nourrissons non exposés au VIH et 144 nourrissons exposés au VIH et non infectés ont été suivis. Leurs anticorps IgG ont été dosés à la naissance (couples mères-enfants) et à l’âge de 15 semaines (enfants seuls) après la vaccination pédiatrique (composée de trois doses à injectées à 6, 10 et 14 semaines de vie selon le programme vaccinal antitétanique nigérien). Il en ressort une réponse affaiblie au vaccin antitétanique avec un transfert médian des anticorps IgG maternels chez les nourrissons exposés au VIH et non infectés réduit de 12 % par rapport aux enfants non exposés. Et à l’âge de 15 semaines, leurs taux d’IgG antitétaniques étaient significativement plus faibles que ceux des enfants non exposés.
Pour les scientifiques, ces observations témoignent de la nécessité d’optimiser la réponse aux vaccins chez les enfants exposés au VIH et non infectés. Prévoir pour eux des doses supplémentaires pourrait ainsi être une piste envisageable.
Déborah L., Dr en Pharmacie