Vers des marqueurs sanguins reflétant l’intensité de la douleur ?

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Rédigé par Julie P. et publié le 17 mars 2019

L’évaluation de la douleur physique reste encore difficile car son appréciation, par le patient et par le soignant, reste encore trop subjective. Et s’il suffisait désormais de mesurer certains paramètres dans le sanguin pour obtenir le niveau de douleur ressentie ? Pari réussi grâce aux travaux de l’équipe du Professeur Alexander Niculescu de l’université d’Indiana. Aperçu des résultats parus dans la revue Molecular Psychiatry.

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Déterminer l’intensité de la douleur grâce à des biomarqueurs universels

Pour débuter ces travaux sur la douleur, les chercheurs de la faculté de médecine de l’université d’Indiana ont suivi des centaines de patients ayant des maladies psychiatriques se rendant au centre médical Richard L. Roudebush d’Indianapolis.

Ils ont étudié leurs dossiers médicaux attestant de leurs évaluations de leurs douleurs et de leur pathologie psychiatrique tout en réalisant des tests sanguins.

Dans ces échantillons de sang, ils ont examiné 65 biomarqueurs candidats.

Ces biomarqueurs étaient le niveau d’expression de certains gènes (protecteurs ou activateurs de la douleur) comme les gènes MFAP3, GNG7, CNTN1 (exprimant une molécule d’adhésion des neurones), LYA (exprimant un antigène dans les cellules lymphocytaires), GBP1.

Certains de ces biomarqueurs d’expression de gènes ont une expression accrue dans des états de douleur élevée (ce sont des gènes de risque) tandis que d’autres ont une expression réduite (on parlera de gènes de protection).

 » Nous avons développé un prototype de test sanguin qui permet de dire objectivement aux médecins si le patient a mal et quelle est l’intensité de cette douleur. Il est très important d’avoir une mesure objective de la douleur, car la douleur est une sensation subjective. Jusqu’à présent, nous avons dû nous appuyer sur l’autodéclaration des patients ou sur l’impression clinique du médecin «  précise Alexander Niculescu qui a encadré ces travaux de recherche.

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Prescrire des médicaments antidouleurs de manière plus rationnelle

L’objectif principal de ces recherches est de quantifier précisément les niveaux de douleurs ressentis pour lutter contre les dangers d’une prescription massive d’anti-douleurs pouvant mettre le patient en danger compte tenu de leurs effets addictifs, pour certains.

En effet, les Etats-Unis doivent affronter une crise sanitaire sans précédent liée à la consommation excessive d’opioïdes (codéine, tramadol, oxycodone, morphine, fentanyl) et provoquant des overdoses massives depuis 2010.

« L’épidémie d’opioïdes est survenue parce que les médicaments entraînant une dépendance étaient surprescrits en raison du fait qu’il n’y avait aucune mesure objective permettant de savoir si une personne souffrait ou quelle était la gravité de sa douleur » ajoute Alexander Niculescu.

Le nouveau test sanguin évalue la sévérité de la douleur, mais permet aussi d’aiguiller les médecins sur les types de traitements médicamenteux à prescrire.

Pour se faire, les chercheurs ont développé une base de données de prescriptions, similaire aux bases de données d’empreintes digitales utilisées par le FBI. Ce logiciel permet en effet de faire correspondre les biomarqueurs de la douleur (type et quantité retrouvés dans le sang) à des médicaments existants (opiacés ou non) et des composés naturels (vitamines B6, vitamine B12, l’apigénine issue d’une plante flavonoïde).

À savoir ! L’apigénine est une molécule avec des propriétés anti-inflammatoires et que l’on retrouve dans le persil, le céleri, le romarin, la camomille, la passiflore.

 » Grâce à une santé de précision et grâce à de nombreuses options adaptées aux besoins spécifiques du patient, vous évitez que des problèmes plus graves, tels que l’épidémie d’opioïdes, ne se produisent «  conclut le Professeur en psychiatrie.

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Les applications exceptionnelles de cette médecine de précision de la douleur

Dans cette médecine de précision, les chercheurs doivent encore élucider quelques points comme :

  • L’influence du sexe et de l’âge du patient sur les biomarqueurs ;
  • Les biomarqueurs de la douleur spécifique à certaines pathologies (neuropathie chez les diabétiques, migraine, fibromyalgie,  etc.) ;
  • L’usage de ces biomarqueurs sanguins pour anticiper la survenue de douleurs aiguës et la mise en place d’un traitement préventif avec des nutraceutiques (phytocomplexe issu d’une plante ou une combinaison de métabolites secondaires issus d’un animal) ;
  • Le développement de cette méthodologie pour améliorer la prise en charge de la douleur chez le nourrisson et le jeune enfant.

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Julie P., Journaliste scientifique

– Breakthrough toward developing blood test for pain. Science Daily. Consulté le 11 mars 2019.
– Towards precision medicine for pain: diagnostic biomarkers and repurposed drugs. Molecular Psychiatry. A. B. Niculescu et al. Consulté le 11 mars 2019.
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