Cancer du sein : évaluer l’impact des causes environnementales

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Rédigé par Julie P. et publié le 21 novembre 2024

Lors de cette trentième campagne d’Octobre rose, le Réseau Environnement Santé (RES) a organisé un colloque en ce 22  octobre 2024 à l’Académie du climat à Paris intitulé « Cancer du Sein 2050 ». Un évènement inédit permettant de faire le point sur l’implication des facteurs environnementaux dans la survenue du cancer du sein. 

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Une hausse de l’incidence du cancer du sein d’ici 2050 

Selon le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), la population féminine française est la plus touchée au monde par le cancer du sein. Il est la première cause de décès par cancer chez les femmes. 

Entre 2022 et 2050 (en France), les experts prévoient une augmentation d’environ 13% du nombre de diagnostics avérés de cancer du sein, soit un passage de 65 700 à 75 400  cas par an, ainsi qu’une hausse de près de 27% du nombre de décès annuels causés par le cancer du sein, soit un passage de 14 700 à 20 100 cas par an.« Le cancer du sein touche des femmes de plus en plus jeunes, sans antécédents familiaux ni facteurs de risque classiques dont le tabac, alcool, surpoids et la sédentarité) ; ce sont elles qui sont le plus concernées par la prévision à la hausse pour 2050 » précise André Cicolella,  président du RES lors du  colloque “Cancer du sein 2050” soutenu par la Mairie de Paris.   

Selon les données scientifiques, la prédisposition génétique dans le cancer du sein est un facteur de risque ayant une incidence faible à modérée, et les facteurs de risque connus tels que les antécédents familiaux, l’âge, le sexe, l’origine ethnique et les hormones) n’expliqueraient  que trois cas sur dix environ. Les 70 % des cas restants pourraient et donc très probablement avoir une origine liée à l’environnement. 

Dans sa présentation, le Pr Patrick Fénichel du CHU de Nice précise que dans 9 cas sur 10, les femmes touchées par le cancer du sein ne possèdent pas de mutations génétiques préexistantes, mais des modifications épigénétiques impactant l’expression de certains gènes. Ce sont des changements spécifiques sur le génome qui sont induits en partie par des facteurs environnementaux. 

À savoir ! Les modifications épigénétiques sont matérialisées par des marques biochimiques présentes sur l’ADN et la mieux caractérisée est la méthylation de l’ADN. Réversibles, elles n’entraînent pas de modification de la séquence d’ADN mais induisent des changements dans l’expression des gènes. Elles sont induites par l’environnement au sens large.

Les perturbateurs endocriniens : premiers coupables du nombre de cas de cancer du sein ? 

En 2017, un état des lieux scientifique passant en revue l’ensemble des études épidémiologiques publiées entre 2009 et 2017 a été réalisé par trois chercheurs américains mis en évidence. Un lien entre l’exposition des femmes à des substances environnementales (air, eau et sol) et l’augmentation du taux de cancer du sein a ainsi pu être clairement établi.  

À savoir ! Une étude épidémiologique est l’étude des rapports entre une maladie et divers facteurs (mode de vie, particularités individuelles, exposition à un produit toxique, etc.) qui peuvent avoir une influence sur la fréquence ou l’évolution de cette maladie.

Les expositions prolongées aux substances incriminées, depuis le développement embryonnaire jusqu’au début de l’âge adulte, remodèlent le programme des processus génétiques, épigénétiques et physiologiques dans le système glandulaire des seins en développement, entraînant un risque accru de développer un cancer du sein.  

Pour les chercheurs : « De plus en plus de preuves issues d’études épidémiologiques, ainsi qu’une meilleure compréhension des mécanismes reliant les substances toxiques au développement du cancer du sein, renforcent la conclusion selon laquelle les expositions à ces substances – dont beaucoup se trouvent dans des produits et sous-produits courants et quotidiens – peuvent entraîner un risque accru de développer un cancer du sein ». 

920 substances toxiques ont été identifiées à ce jour. Elles couvrent notamment les perturbateurs endocriniens, les produits de consommation, les polluants industriels, la pollution de l’air ou encore les pesticides. 

À savoir ! Les perturbateurs endocriniens sont des substances qui agissent sur la fonction endocrinienne. Ils perturbent directement ou indirectement le développement mammaire et peuvent entrainer des conséquences néfastes à long terme. On retrouve parmi eux des composés tels que les biphényles polychlorés, le bisphénol A, les dioxines, certains pesticides, des composés perfluorés et polybromés et des phytoestrogènes

La Pr Ana Soto, qui a travaillé sur le lien entre une exposition au bisphénol A et la survenue du cancer du sein à la Tufts University de Boston,  s’est exprimé lors du colloque du 22 octobre  dernier :  

« Il est grand temps de réaliser que nous disposons de suffisamment de preuves pour réglementer l’exposition aux perturbateurs endocriniens afin d’enrayer l’épidémie de cancer du sein. »  

Pour rappel, Santé publique France classe les perturbateurs endocriniens dans la catégorie « niveau de preuve suffisant » pour le lien avec le cancer du sein. 

 Lalimentation en cause dans la survenue des cancers du sein ? 

Sur le plan de l’alimentation, le troisième rapport du Fonds Mondial pour la Recherche contre le cancer datant de 2018  montre un lien entre l’alimentation et la survenue de cancer du sein après la ménopause 

La cohorte NutriNet-Santé a permis de mettre en évidence des corrélations entre une augmentation du risque de cancer du sein et la présence d’édulcorants et d’émulsifiants. Cependant, des études complémentaires sont encore nécessaires pour mettre en évidence un lien causal.  Le projet Additives développé par le Réseau NACRE (Nutrition, Activité physique, Cancer Recherche) travaille sur ces questions.  

A l’inverse, les facteurs diminuant le risque de surcharge pondérale comme une alimentation riche en fibres semblent également diminuer indirectement le risque de cancer du sein, . 

Autres substances néfastes retrouvées dans l’alimentation : les pesticides. Dans une étude réalisée en 2021 dans le cadre du programme Nutrinet, des chercheurs français se sont intéressés au rôle de l’exposition alimentaire aux pesticides dans la survenue de cancer du sein après la ménopause. Leurs conclusions après le suivi  de plus de 13 000 femmes sur 4 ans ? Les femmes faiblement exposées à plusieurs pesticides de synthèse présentent un risque plus faible de développer un cancer du sein.  En revanche, ce risque est augmenté dans le groupe de femmes exposées de façon importante à quatre substances actives de pesticides, à savoir le chlorpyrifos, l’imazalil, le malathion et le thiabendazole 

D’après le Circ, en France, 40 % des nouveaux cas de cancers chez l’adulte, liés au mode de vie et à l’environnement, seraient évitables.  Prochaine étape pour la communauté scientifique et le RES ? Continuer à informer le public et les instances d’autorité pour intégrer ces données de santé publique aux politiques préventives. 

Sources
– Octobre rose 2050 : agir sur les causes environnementales dans le cancer du sein. www.lequotidiendumedecin.fr. Consulté le 06 novembre 2024.
– Des facteurs de risque environnementaux impliqués dans le cancer du sein. presse.inserm.fr. Consulté le 06 novembre 2024.
– Retour en images sur le colloque « Cancer du Sein 2050 » du 22 octobre 2024 à l’Académie du Climat. www.reseau-environnement-sante.fr. Consulté le 06 novembre 2024.