Quelle égalité des chances entre hommes et femmes dans la santé ?

Actualités Santé au quotidien (maux quotidiens)

Rédigé par Julie P. et publié le 5 décembre 2018

Diagnostic, pronostic, prise en charge thérapeutique, efficacité des médicaments, accompagnement, posologie…les hommes et les femmes ne sont pas égaux dans ces étapes matérialisant un parcours de soins. En cette journée mondiale de l’égalité des chances, nous avons souhaité partager avec vous les grandes thématiques de la santé concernées par les inégalités liées au sexe.

inégalités hommes femmes

Une considération tardive de l’influence du sexe dans la médecine

Dès la fin des années 1980, des professionnels de la santé et des chercheurs en médecine ou en sociologie, sous l’impulsion des mouvements féministes, ont fédéré le premier discours portant sur la nécessité d’intégrer la dimension du sexe et du genre dans la médecine et la recherche clinique.

À savoir ! Le sexe est le déterminisme biologique dans lequel on se réfère à la présence des chromosomes X et Y dans notre patrimoine génétique. Le genre renvoie, quant à lui, au concept de construction sociale et culturelle des identités féminine et masculine.

Dès les années 1990, la Food and Drug administration (FDA), en charge de l’autorisation de mise sur le marché des médicaments, a souhaité faire progresser la qualité des essais cliniques en y incluant désormais la représentation des femmes.

À savoir ! En Europe, la réalisation des essais cliniques sur des individus des deux sexes n’est obligatoire que depuis 15 ans en Europe et depuis 30 ans aux Etats-Unis. Avant ces règlements, la majorité des études cliniques se déroulaient sur des hommes.

En 2002, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a emboité le pas en développant une approche politique sur les questions d’équité homme-femme dans les parcours médicaux.

En Europe, la prise de conscience a été plus tardive. Après l’Allemagne et les pays d’Europe du Nord, la France a commencé à s’intéresser à la question en développant des groupes de travail pour sensibiliser les chercheurs et les médecins  à la nécessité de considérer les spécificités de genre dans la recherche et la pratique médicale.

Ici, des questions pratiques ont été soulevées : comment le cycle menstruel influence les seuils de douleur et les pathologies ? Pourquoi les hommes tardent-ils plus à aller consulter ? Sommes-nous égaux devant le stress ? Comment adapter la relation médecin-patient en fonction du sexe de l’un et de l’autre ? Comment les symptômes sont-ils exprimés par un homme ou par une femme qui suit finalement des codes sociaux et culturels liés à leur sexe ? En général, une femme aura tendance à faire preuve de plus de sensibilité alors qu’un homme affichera plus de résistance.

Globalement, l’ensemble des résultats de Recherche sur ces questions et les discussions qui en découlent n’ont qu’un seul objectif : développer des pratiques médicales adaptées en prenant en compte le sexe et le genre du patient pour l’égalité des chances de tous.

Lire aussiUne posologie variable selon le sexe !

 

Les clichés de genre dans différentes maladies

Les exemples de l’influence du sexe et du genre sur la santé sont nombreux et intègrent tous les domaines du secteur médical : oncologie, neurologie, médecine de la douleur, ostéologie,  arthrologie, psychiatrie ou cardiologie.

La santé cardiaque

L’infarctus du myocarde est sous diagnostiquée chez les femmes, car les médecins, mais aussi la population en général, associent cette maladie au profil d’un homme d’une quarantaine d’années stressé au travail et éventuellement touché par le surpoids et l’addiction à la nicotine et/ou l’alcool.

En tombant dans ce type d’à priori, beaucoup de femmes se plaignant d’oppression dans la poitrine se sont vues prescrire des anxiolytiques alors qu’un homme sera orienté, quant à lui, plus rapidement vers un cardiologue.

De plus, les symptômes d’infarctus peuvent, par ailleurs, se manifester de façon atypique chez les femmes (difficultés à respirer, essoufflement à l’effort, troubles digestifs, palpitations) retardant ainsi la détermination du bon diagnostic. Pour toutes ces raisons, la majorité des décès liés à l’infarctus concernent aujourd’hui les femmes. Et le nombre d’hospitalisations pour un infarctus est constant chez les hommes tandis qu’il augmente chez les femmes de moins de 55 ans.

L’ostéoporose

A l’inverse, l’ostéoporose est sous-diagnostiquée chez les hommes puisqu’on l’associe exclusivement aux femmes ménopausées. Cependant, 33 % des fractures du col du fémur chez les hommes sont dues à l’ostéoporose.

La dépression

A tort, la dépression est une maladie souvent considérée comme essentiellement féminine. En intégrant les diagnostics des symptômes atypiques (agressivité, augmentation des comportements à risques), on se rend compte que c’est une maladie psychique touchant autant les hommes que les femmes.

L’Accident Vasculaire Cérébral

Les études internationales mettent en lumière des difficultés de prise en charge et de traitement de l’AVC chez la femme. Les raisons de cette situation ne sont pas totalement claires même si les auteurs d’une étude INSERM coordonné par Charlotte Cordonnier précisent que les femmes, qui connaissent bien les symptômes de la maladie, seraient moins enclines à appeler l’ambulance pour elles-mêmes. Ainsi, un meilleur contrôle des facteurs de risques féminins (hypertension pendant la grossesse, fibrillation auriculaire, diabète) et des recommandations spécifiques (campagne de prévention) sont nécessaire pour réduire l’incidence de cette pathologie dans la population féminine.

Les neurosciences

Au début du siècle, les médecins suggéraient que l’intelligence était plus élevée chez les hommes que chez les femmes étant donné que le cerveau de cette dernière pesait, en moyenne, 150 grammes de moins. Aujourd’hui, il est bien établi que c’est la qualité des connexions entre les cellules nerveuses qui régissent les capacités cognitives et qu’elle peut être influencée par les apprentissages (on parlera de « plasticité cérébrale »). En neuroscience, comme ailleurs, il est impératif de poser la question des multiples origines des différences (profession, niveau d’études, situation sociale et familiale, activités sportives et culturelles, loisirs, etc.) entre les cerveaux de femmes et d’hommes avant de conclure à des différences de prédispositions innées. Il est aussi nécessaire de réaliser des investigations cliniques en se questionnant sur les représentations sociales liées au sexe. Par exemple, si on demande à des enfants de réaliser des exercices de représentations dans l’espace, les garçons auront un meilleur score que les filles si l’exercice est présenté comme un problème géométrique. A contrario, si le test est présenté comme un exercice de dessin, ce sont les filles qui obtiendront les meilleurs résultats !

Les spécialistes de la question de la « santé genrée » avancent que désormais il est nécessaire de passer, en France, à des obligations réglementaires pour accélérer une prise de conscience générale chez tous les professionnels de la santé et améliorer l’égalité des chances entre les femmes et les hommes dans toutes les disciplines médicales.

Lire aussiSanté du cœur : à quand une parité homme-femme ?

 

Julie P., Journaliste scientifique

Genre et Santé. Prendre en compte les différences pour mieux combattre les inégalités.INSERM.. Consulté le 3 décembre 2018.